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Wagner et l'affaire Litollf. Contribution à l'histoire d'une rivalité probable.

Publié le 13 mars 2019 par Luc-Henri Roger @munichandco

Il n'y a sans doute pas une qu'une seule "affaire Litolff", nous avons retrouvé la trace d'une discussion entre Liszt et Berlioz à laquelle participait Henry Litolff en 1856 et où il était question de Wagner.

Henry Charles Litolff (1818-1891) fut un pianiste virtuose et compositeur français célèbre en son temps. Berlioz appréciait ses compositions. Litolff quant à lui n'appréciait pas la musique de Wagner et avait un jour à Weimar vivement parti pour Berlioz, comme en témoigne un incident que rapporte la France musicale d'avril 1856 : en février 1856, une discussion avait eu lieu à Weimar entre Liszt et Berlioz au sujet de la musique de Wagner, au cours de laquelle Henri Litolff, qui y assistait, était vivement intervenu, comme le rapporte cette revue, qui cite elle-même le journal de Dresde :

Dresde. -Le Dresdner-Journal raconte qu'une discussion très-sérieuse a eu lieu à Weimar entre Littolf et Berlioz d'une part et Liszt de l'autre, au sujet de la musique du Wagner. A la suite de quelques paroles très-piquantes de Liszt, Littolf aurait brisé une canne très-précieuse, destinée à Liszt comme cadeau, et aurait dit : " Je briserai avec votre parti comme je brise cette canne".

Plus tard, en juin 1856, la position de Berlioz à l'encontre de la musique de Wagner s'était encore durcie. Alors qu'il vient d'être élu membre à l'Institut, il écrit à Litolff :

[...] Je vous dirai, ce que vous savez déjà peut-être, que je viens d'être élu membre de l'Institut. [...] Cela fait à Paris grande sensation. C'est une espèce de révolution ou de coup d'état en faveur de la jeune musique, qui n'a pas grands rapports avec la musique de l'avenir, mais qui pourtant n'en a pas beaucoup non plus avec la musique du passé. Toutes ces dénominations, ces catégories, sont de véritables charges, à parler sérieusement. [...]

La musique de l'avenir désigne la conception wagnérienne de la musique. Berlioz précisera sa pensée dans une lettre adressée à la princesse Sayn-Wittgenstein le 12 août :

[...] Ce qu'il y a d'immensément difficile là-dedans, c'est de trouver la forme musicale, cette forme sans laquelle la musique n'existe pas, ou n'est plus que l'esclave humiliée de la parole. C'est là le crime de Wagner ; il veut la détrôner, la réduire à des accents expressifs, en exagérant le système de Gluck (qui fort heureusement n'a pas réussi lui-même à suivre sa théorie impie). Je suis pour la musique appelée par vous-même libre. Oui, libre et fière et souveraine et conquérante, je veux qu'elle prenne tout, qu'elle s'assimile tout, qu'il n'y ait plus pour elle ni Alpes ni Pyrénées; mais pour ses conquêtes, il faut qu'elle combatte en personne et non par ses lieutenants, je veux bien qu'elle ait, s'il se peut, de bons vers rangés en bataille, mais il faut qu'elle aille elle-même au feu comme Napoléon, qu'elle marche au premier rang de la Phalange comme Alexandre. Elle est si puissante qu'elle vaincrait seule en certain cas, et qu'elle a eu mille fois le droit de dire comme Médée: " Moi! c'est assez! ". Vouloir la ramener à la vieille récitation du Chœur Antique est la plus incroyable et, fort heureusement, la plus inutile folie qu'on puisse citer dans l'histoire de l'art.

Trouver le moyen d'être expressif, vrai, sans cesser d'être musicien, et donner tout au contraire des moyens nouveaux d'action à la musique, voilà le problème. [...]


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