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Guantanamito

Publié le 12 juillet 2008 par Alain Hubler

Pirogues mauritaniennesSi tout le monde a entendu parler de Guantanamo, il y a fort à parier que peu d’Européens connaissent son petit frère Guantanamito.

Guantanamito est le surnom révélateur donné à une ancienne école qui sert de centre d’accueil pour migrants clandestins. Ce centre est situé à Nouadhibou, une ville de la côte atlantique au nord de la Mauritanie.

C’est de là que des milliers de migrants clandestins venant de différents pays de l’Afrique subsaharienne partent et c’est là aussi qu’ils reviennent pour y être détenus dans des conditions de surpopulation et d’hygiène désastreuses.

Si jusqu’alors les candidats à un hypothétique monde meilleur en Europe s’élançaient des côtes marocaines dans des embarcations de fortune, depuis février 2004 Rabat a signé un accord sur la réadmission des migrants subsahariens illégaux arrêtés en Espagne et a accru sa coopération avec les autorités de la Péninsule ibérique. Coup de chance, ou hasard, le Maroc et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) signait en mai 2006 un accord portant sur la mise en œuvre du projet «Migration et retour, ressources pour le développement» qui ambitionne «d’asseoir une bonne gestion des flux migratoires» et d’améliorer l’insertion professionnelle des migrants marocains en Italie ainsi que la mise en valeur des transferts de fonds des émigrés. Un prêté pour un rendu en somme.

Toujours est-il que depuis lors, les candidats à l’immigration illégale de l’Afrique subsaharienne sont contraints de s’embarquer à bord de cayucos, des barques plus grandes et plus résistantes que les pirogues appelées pateras. Bref, si auparavant il «suffisait » de franchir les 15 km du détroit de Gibraltar, depuis 2005, le voyage, qui part de la Mauritanie pour rejoindre les Canaries, compte 800 km d’océan et de dangers.

Tout se passe donc comme si l’Europe avait réussi à étendre sa sphère d’influence en matière de lutte contre l’immigration clandestine au delà du Sahara.

Pour faire bon poids et donc accentuer la pression sur les pays fournisseur d’immigration clandestine, il est utile de rappeler que l’aide au développement de l’Union européenne est conditionnée à la façon dont les pays bénéficiaires contrôlent leurs frontières.

Voilà comment, en quelques années, l’Europe a réussi à repousser les frontières et les responsabilités de l’immigration clandestine de l’Espagne, vers le Maroc puis vers la Mauritanie.

Voilà comment elle a réussi à convaincre les autorités mauritaniennes de mettre sur pied ces camps destinés à contenir les migrants clandestins avant de les renvoyer dans ce qui n’est pas toujours leur pays d’origine.

Voilà comment l’Europe a réussi à externaliser le contrôle de ses frontières et à sous-traiter le problème.

En attendant, en Mauritanie, ceux pour qui l’espoir s’envole tous les jours un peu plus, croupissent dans ce qui fut une école mais qui est devenu un camp de concentration où les vols, les viols et les tabassages par la police sont monnaie courante.

Faut-il encore ajouter que ce centre a été généreusement (!) payé par l’Espagne et que, comme le révèle le dernier rapport d’Amnesty International, il porte le graffiti suivant, bien en évidence sur l’un de ses murs :

À l’époque, quand les Blancs venaient en Afrique par la mer, on ne les traitait pas en clandestins ; pourquoi aujourd’hui, quand nous essayons d’aller par la mer en Europe, on nous traite de clandestins?


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