Magazine Culture

Harmonie des couleurs

Par Richard Le Menn
Dans le jeu de la lumière, deux éléments sont importants : les couleurs et les formes. Harmoniser les couleurs est tout un art, en peinture comme dans la mode. Je retranscris ci-dessous un article de la revue La Mode d'octobre 1829 ayant pour sujet l'harmonie des couleurs. Entre crochets j'y ajoute des remarques.

Dans leur accord pour l'habillement, il faut toujours en faire dominer une à laquelle les autres seront subordonnées. De même que les peintres ne laissent point deux lumières remarquables briller également dans le même dessin, de même dans l'habillement une moitié du corps ne devrait jamais être distinguée par une couleur, et l'autre par une couleur différente. Tout ce qui divise l'attention diminue la beauté de l'objet ; et quoique chaque partie, prise séparément, puisse paraître belle, l'effet ne sera pas moins détruit pour l'ensemble. [La fin du Moyen Âge et ses costumes mi-partis témoignent que ceci n'est pas toujours vrai, et que couper le costume avec des couleurs différentes de chaque côté est aussi harmonieux et ne diminue pas la beauté de l'objet.]

Harmonie des couleurs

En faisant application de ces couleurs à la figure, on peut adopter comme essentiel le principe suivant : Si le visage a trop de jaune, on y remédie par une coiffure jaune, qui fait ressortir le rouge et le bleu du visage. Si c'est le rouge qui domine trop, le rouge autour de la figure diminue le premier et fait prédominer le jaune et le bleu. Si le visage a trop de bleu, on y remédie par du bleu, qui fait prédominer le jaune et le rouge.
On remédie par l'orangé à trop de jaune et de rouge, par le pourpre à trop de rouge et de bleu, par le vert à trop de bleu et de jaune.

On a assez parlé de la transparence du vêtement dans les temps anciens et modernes. Ménandre cite un habillement diaphane qu'il indique comme celui des courtisanes. C'est ce que Varron appelle vitreas vestes, vêtements de verre ; Horace leur donnait le nom de l'île de Cos où on les fabriquait.

Harmonie des couleurs
Au sujet de la photographie : Il s'agit d'une petite maîtresse de vers 1827. La teinte dominante de son accoutrement est l'ébène, depuis le chapeau jusqu'à la robe. Celle-ci et l'épaisseur 'pleine' du tissu (peut-être du velours) font ressortir le blanc de sa peau et sa finesse ainsi que la délicatesse de son rouge. Le blanc de la plume adoucit son teint d'albâtre et renforce le pourpre de sa face, alors que le rouge de l'autre plume qui encadre son visage dulcifie l'incarnat de ses joues et de ses lèvres tout en rehaussant le blanc de sa peau. Un autre harmonieux contraste se rencontre dans le vert et le rouge des autres plumes placées plus haut, couleurs qui s'opposent avec harmonie. Le rouge, le vert et le blanc se prolongent sur un ruban au-dessous du chapeau, faisant cette fois ressortir les yeux de cette belle par le jeu des contrastes ; à moins qu'il s'agisse d'un rouge, bleu et jaune, comme sur la robe, créant des lignes horizontales colorées adoucissant la verticale noire du costume. Sur ce sombre de l'habit, on ne retrouve que ces trois couleurs primaires en broderies seulement présentes en haut, au milieu et au bas. Ces couleurs vives donnent de la richesse (une préciosité) à ce noir, et ce dernier les accentue. Le jeu des contrastes se poursuit dans la transparence des manches, qui tranche avec le caractère opaque du tissu de la robe, en le prolongeant aussi car de la même couleur. Tout cela accentue la finesse des bras agréablement potelés, tout en faisant ressortir la blancheur des mains ou des gants

Au XVIIIe siècle on apprécie beaucoup les couleurs " tendres ", c'est-à-dire à la fois profondes, éclatantes et douces au regard. Dans la photographie du tableau d'Élisabeth Louise Vigée Le Brun (1755 - 1842) représentant une dame en jaune de cet article, on a l'exemple de ce que peut être un jaune tendre.

Souvent, on conçoit le passé en noir et blanc. Durant le XIXe siècle, le XXe et jusqu'à aujourd'hui, on s'est ingénié à faire disparaître les couleurs de monuments et statues anciennes. Peut-on imaginer que le Parthénon à Athènes ou la cathédrale Notre-Dame à Paris fussent peintes à l'extérieur et à l'intérieur, et en particulier les statues ! On conjecture que les Grecs et les Romains de l'Antiquité ne portaient que des drapés blancs, mais les peintures murales découvertes nous dévoilent des habits très colorés, souvent délicatement, avec des tonalités harmonieusement disposées sur le corps ! Je m'arrête là... mais ce sujet est sans fin, et mériterait que la mode d'aujourd'hui y accorde plus d'importance.


Harmonie des couleurs


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Richard Le Menn 304 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines