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Yang Lian – Adagio de la mer

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Yang Lian – Adagio de la merLa douleur doit avoir son propre recoin : minuit
ou la fenêtre. La muqueuse de la mer colle à la vitre.
Avec lenteur la matière des ténèbres sourd de tes yeux.
Le vin rouge est fanal de bateau la nuit.
Tu entends l’estuaire des veines de ton corps crier un nom.
L’adieu qui se refroidit feuillette un manuel.
Au loin, un tableau noir est accroché    en-deçà de la nudité de minuit.
Les vagues n’en finissent pas de réciter les leçons d’un visage.

Le poème renvoyant la lumière reflète    la pensée des poissons avant leur naissance.
Mille lignes horizontales ajournent le mot mer.
La chair soumise des flots    se brise contre ce jour qui ne peut être ajourné,
tout comme chaque jour. Fixer le lointain est distanciation.
Le verre qui crisse alentour est aspiré par tes poumons.
L’angle mort, d’une lenteur plus qu’immobile, s’assied dans
l’ivresse. L’ouragan filtré devient l’autre face du réel incolore.
La souffrance, elle, est parfaite, est aveugle.

*

Lento for the Sea

pain must have its own corner midnight for instance
a window for instance ocean’s mucous membrane pasted to the glass
the substance of darkness slowly leaks out from the eye
red wine like a navigation light
you hear the estuary of every vein in your body cry out a name
a farewell turned cold has opened the textbook
a distant blackboard hangs outside the nakedness of zero
waves endlessly memorising the homework of a face

a poem reflecting light reproduces pre-natal thoughts of fish
a thousand horizons postponing the word ‘ocean’
flesh that islands submit to collides with the today that cannot be postponed
exactly like every day to look from afar is to partition
the glass chattering all around is breathed into your lungs
a dead space slower than immobility sits into
drunkenness storm filtered into another colourless reality
pain it’s perfection it’s a blind man

***

Yang Lian (né à Bern, Suisse en 1955) – Traduit par ? – Notes of a Blissful Ghost (Renditions, 2002) – Translated by Brian Holton.

Découvert ici


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