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Étude pour un homme seul, de Richard Millet

Publié le 17 mai 2019 par Francisrichard @francisrichard
Étude pour un homme seul, de Richard Millet

Il n'est pas fortuit que Richard Millet, passionné de musique classique, ait donné ce titre à son récit: Étude pour un homme seul.

Pascal, le narrateur, a quelques traits communs avec lui:

- il est sexagénaire et originaire de Siom en Corrèze, village inspiré de son village de Viam

- il a été le guerrier appliqué de la guerre libanaise

- il est écrivain, décrété indigne d'être lu par les malins, les idéologues, les beaux parleurs, etc. et par des femmes, notamment par une maigre romancière, au visage défait par les années et la vertu idéologique...

- il ne se bat plus que pour des questions de grammaire...

Pascal n'est pas solitaire seulement en raison de son art d'écrire et de ses opinions, mais aussi de la maladie qui l'éloigne des femmes.

De plus il fait désormais partie de ces célibataires moins disposés que les autres à supporter la climatologie féminine, surtout aujourd'hui que l'homme a perdu la guerre des sexes...

Il aggrave son cas quand il écrit qu'il n'a jamais caressé une femme de plus de quarante-cinq ans (chiffre devenu talismanique pour lui) et qu'il a toujours eu des femmes jeunes, voire très jeunes:

Qu'on ne voie là ni mépris, ni dégoût; ce sont les femmes qui nous élisent, non le contraire; et mes amours sont telles que c'est le désir qui me les dicte, bien plus que la volonté ou l'illusion de "construire sa vie", même à l'âge que j'ai atteint...

La maigre romancière le haïssait pour ses opinions mais aussi pour le seul fait qu'il était un homme, donc coupable envers les femmes. Elle avait cependant raison quand elle lui avait fait cette prédiction:

Vous serez seul, désormais, et vous ferez l'amour tout seul, ou bien vous paierez pour le faire...

Car ce sont ces airs-là que joue le récit de Richard Millet, de manière inattendue et singulière, avant et pendant la présence de Yelizeveta, femme de ménage d'origine moldave, envoyée par son amie Léonore pour travailler chez lui tous les lundis de 11 à 14 heures.

Maladie, âge, opprobre littéraire n'épargnent donc pas Pascal. Il ne pense pas pour autant que la misère sexuelle existe, la sexualité elle-même étant une grande part de la misère humaine.

Finalement, la prédiction de la maigre romancière ne s'avère pas malédiction:

Le pacte prostitutionnel était la forme raisonnable de l'amour, tout comme la pornographie sa dimension hygiénique, donc éthique, en fin de compte, le paradoxe n'étant ici qu'apparent: tout ce qui sert à réguler le flux sexuel relève de la Loi, donc de la paix sociale; si bien que, dans l'amour, comme dans le rite, la satisfaction du désir finit par résider dans la transaction, le jeu, ou la seule règle du jeu.


Cachez ce Millet que je ne saurais lire!, s'exclament alors les juges et professeurs de vertu...

Francis Richard

Étude pour un homme seul, Richard Millet, 126 pages, Pierre Guillaume de Roux

Précédents billets sur des livres de Richard Millet:

La souffrance littéraire de Richard Millet (21 septembre 2012)

Trois légendes (21 novembre 2013)

L'Être-Boeuf (3 décembre 2013)

Une artiste du sexe (30 décembre 2013)

Le corps politique de Gérard Depardieu (25 novembre 2014)

Solitude du témoin (3 mai 2015)

Province (28 juin 2017)


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