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Mary Stuart, reine de l’inclusion

Par Balndorn
Mary Stuart, reine de l’inclusion
Résumé : Le destin tumultueux de la charismatique Marie Stuart. Épouse du roi de France à 16 ans, elle se retrouve veuve à 18 ans et refuse de se remarier conformément à la tradition. Au lieu de cela elle repart dans son Écosse natale réclamer le trône qui lui revient de droit. Mais la poigne d’Elizabeth Ièʳᵉ s’étend aussi bien sur l’Angleterre que l’Écosse. Les deux jeunes reines ne tardent pas à devenir de véritables sœurs ennemies et, entre peur et fascination réciproques, se battent pour la couronne d’Angleterre. Rivales aussi bien en pouvoir qu’en amour, toutes deux régnant sur un monde dirigé par des hommes, elles doivent impérativement statuer entre les liens du mariage ou leur indépendance. Mais Marie menace la souveraineté d’Elizabeth. Leurs deux cours sont minées par la trahison, la conspiration et la révolte qui mettent en péril leurs deux trônes et menacent de changer le cours de l’Histoire.
Dans la Grande-Bretagne du XVIesiècle, Elizabeth Ière d’Angleterre (Margot Robbie) règne entourée d’un ambassadeur noir (Adrian Lester) et d’une servante asiatique (Gemma Chan). Sa rivale écossaise, Mary Stuart (Saoirse Ronan), s’amuse avec un transsexuel afro-latino (Ismael Cruz Córdova), pendant que John Knox (David Tennant), prédicateur puritain, exhorte une foule de paysan·ne·s noir·e·s à se soulever contre elle. Bienvenue dans Mary Stuart, reine d’Écosse.
Peut-on violer l’Histoire pour lui faire de beaux enfants ?
Le réalisateur, Josie Rourke, revendique explicitement ses choix en matière de représentations des minorités, en porte-à-faux des réalités historiques : « J’étais très clair à ce sujet, je ne voulais pas réaliser un film historique uniquement blanc. »[1]La question mérite d’être posée : faut-il, face au whitewashing et à l’invisibilisation des racisé·e·s dans les grosses productions, pratiquer une forme de discrimination positive, quitte à réécrire l’Histoire ? En s’appuyant sur l’exemple de Mary Stuart, reine d’Écosse, la critique qui suit s’efforcera de montrer les limites de cette voie.Repartons d’Alexandre Dumas et de la célèbre formule qu’il employait pour justifier sa réécriture romanesque de l’Histoire : « On peut violer l’Histoire, à condition de lui faire de beaux enfants ». On appréciera la culture du viol. Celle-ci n’est pas qu’anecdotique : elle exprime le rapport de force brutal qui caractérise tout processus de réécriture fictionnelle de l’Histoire. Qu’on la torde dans un sens (l’héroïsme viril à la Dumas) ou dans l’autre (le melting-pot à la sauce #MeToo de Rourke), l’Histoire ainsi maltraitée dans une fiction pourtant présentée comme « historique » perd sa cohérence.Mais passe encore. Les réécritures de l’Histoire sont légion au cinéma et lorsqu’on revendique ouvertement un caractère uchronique, elles peuvent donner de belles œuvres. En témoignent les nombreuses productions mêlant fantastique et Histoire pour les périodes antique (Même pas mort) et médiévale (Le Guerrier silencieux), où le sujet historique nourrit le déploiement de fantasmes.
La reine du all-inclusive
Seulement, Mary Stuart, reine d’Écosse se prend trop au sérieux. Comme tout film historique, il tend à donner une image carte postale de la période représentée, reflet des problématique du contexte de production. Dans le cadre de l’œuvre qui nous intéresse, c’est clairement du mouvement #MeToo que s’inspire Rourke, transformant la reine écossaise en icône féministe protectrice du all-inclusive face aux puritains écossais et anglais. Il faut ici différencier relecture et réécriture de l’Histoire. La première soumet une grille d’analyse d’un contexte particulier, témoin la lecture féministe du règne d’Anne dans La Favorite ; la seconde se moque royalement de l’altérité historique et considère que les périodes s’équivalent et se remplacent mutuellement.C’est à cette seconde catégorie que se rattache Mary Stuart, reine d’Écosse. À l’inverse, La Favorite faisait l’effort de restituer les mœurs nobiliaires du XVIIIe siècle britannique et de déceler dans les manières de la Cour un lieu propice à l’empouvoirement féminin. Un tel film s’appuie sur les structures sociales et mentales de l’époque dépeinte pour faire écho à la nôtre, sans plaquer pour autant nos propres obsessions sur une époque radicalement différente.On peut enfin adresser une dernière critique à Josie Rourke. Si l’on désire ardemment tourner un film métissé, respectueux de la diversité des sociétés occidentales, n’a-t-on pas d’autres sujets à exploiter que la très blanche Europe du XVIe siècle ? D’autant que ledit siècle ne manque pas de moments de rencontres, amicales ou violentes, entre l’Europe et le reste du monde. La découverte et la conquête des Amériques, entre utopie naturaliste et barbarie capitaliste ; les échanges commerciaux avec l’Inde et l’Afrique ; l’alliance française avec l’Empire ottoman et la fin des guerres religieuses ; l’arrivée des premiers missionnaires chrétiens au Japon et en Chine, etc… Autant de riches sujets où puiser des personnages africains, amérindiens et asiatiques sans avoir à métisser une Europe qui s’y refusait. Car s’efforcer de noircir des personnages historiquement blancs, n’est-ce pas, in fine, une nouvelle manière d’écarter de l’Histoire au cinéma les civilisations non-européennes, comme si seule l’Europe, fantasmatique pionnière du melting-pot, méritait qu’on la représentât ?
Mary Stuart, reine de l’inclusion
Mary Stuart, reine d’Écosse, Josie Rourke, 2019, 2h05
Maxime
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[1] https://www.thewrap.com/mary-queen-of-scots-fact-check-was-queen-elizabeth-ambassador-actually-black/

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