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Alejandra Pizarnik – Elle cherchait seulement…

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Alejandra Pizarnik – Elle cherchait seulement…Elle cherchait seulement un lieu plus ou moins propice pour vivre, je veux dire : un petit endroit où chanter et pouvoir pleurer tranquille parfois. En vérité elle ne voulait pas une maison ; Ombre voulait un jardin.
– Je suis seulement venue voir le jardin — dit-elle.
Mais chaque fois qu’elle visitait un jardin elle vérifiait que ce n’était pas celui qu’elle cherchait, celui qu’elle voulait. C’était comme parler ou écrire. Après avoir parlé ou écrit elle devait toujours expliquer :
– Non, ce n’est pas cela que je voulais dire.
Et le pire c’est que le silence aussi la trahissait.
– C’est parce que le silence n’existe pas — dit-elle.
Le jardin, les voix, l’écriture, le silence.
– Je ne fais que chercher et ne pas trouver. À cela je perds les nuits.
Elle sentit qu’elle était coupable d’une chose grave.
– Je crois aux nuits — dit-elle.
À quoi elle ne sut se répondre : elle sentit qu’ils lui clouaient une fleur bleue dans la pensée afin qu’elle ne suive pas le cours de son discours jusqu’au fond.
– C’est parce que le fond n’existe pas — dit-elle.
La fleur bleue s’ouvrit dans son esprit. Elle vit des mots comme des petites pierres disséminées dans l’espace noir de la nuit. Ensuite passa un cygne à roulettes avec un grand noeud rouge autour du cou interrogatif. Une petite enfant qui lui ressemblait montait le cygne.
– Cette petite enfant c’était moi — dit Ombre.

Ombre est déconcertée. Elle se dit qu’en vérité, elle travaille trop depuis qu’est morte Ombre. Tout est prétexte à être un prétexte, pensa Ombre assombrie.

*

Solo buscaba un lugar más o menos propicio para vivir, quiero decir: un sitio pequeño donde cantar y poder llorar tranquila a veces. En verdad no quería una casa; Sombra quería un jardín.
– Sólo vine ver el jardín – dijo.
Pero cada vez que visitaba un jardín comprobaba que no era el que buscaba, el que quería. Era como hablar o escribir. Después de hablar o de escribir siempre tenía que explicar:
– No, no es eso lo que yo quería decir.
Y lo peor es que también el silencio la traicionaba.
– Es porque el silencio no existe -dijo.
El jardín, las voces, la escritura, el silencio.
– No hago otra cosa que buscar y no encontrar. Así pierdo las noches.
Sintió que era culpable de algo grave.
– Yo creo en las noches – dijo.
A lo cual no supo responderse: sintió que le clavaban una flor azul en el pensamiento con el fin de que no siguiera el curso de su discurso hasta el fondo.
– Es porque el fondo no existe – dijo.
La flor azul se abrió en su mente. Vio palabras como pequeñas piedras
diseminadas en el espacio negro de la noche. Luego, pasó un cisne con rueditas con un gran moño rojo en el interrogativo cuello. Una niñita que se le parecía montaba el cisne.
– Esa niñita fui yo -dijo Sombra.

Sombra está desconcertada. Se dice que, en verdad, trabaja demasiado desde que murió Sombra. Todo es pretexto para ser un pretexto, pensó Sombra asombrada.

*

She was only searching for a more or less favourable place to live, I mean: a small place where to sing and sometimes weep quietly. The truth is, she didn’t want a house; Shadow wanted a garden.
‘I only came to see the garden’, she said.
But every time she visited a garden she found it wasn’t the one she’d been searching for, the one she wanted. It was like speaking or writing. After speaking or writing she always had to explain:
‘No, this isn’t what I meant.’
And worst of all, silence also betrayed her.
‘It’s because silence doesn’t exist’, she said.
The garden, the voices, writing, silence.
‘I do nothing but search and not find. That’s how I waste my nights.’
She felt she was guilty of something serious.
‘I believe in nights’, she said.
To which she didn’t know how to respond: she felt they were stabbing her thought with a blue flower so she wouldn’t follow the course of her discourse to the end.
‘It’s because the end doesn’t exist’, she said.
The blue flower opened in her mind. She saw words like little stones scattered across the black space of the night. Then, a swan on little wheels passed by with a big red bow in its questioning neck. A little girl who looked like her rode on the swan.
‘That little girl used to be me’, Shadow said.

Shadow is disconcerted. They say that, actually, she’s been working too hard since Shadow died. Everything is a pretext in order to be a pretext, thought Shadow amazed.

1-5-1972

***

Alejandra Pizarnik (1936-1972)Textos de sombra y últimos poemas (1982) – Textes d’ombre (Ypsilon, 2014) – Traduit de l’espagnol (Argentine) par Étienne Dobenesque – Selected poems (Waterloo Press, 2010)Shadow’s Texts – Translated by Cecilia Rossi.


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