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L’externalisation dans les services financiers

Publié le 15 juillet 2008 par Sia Conseil

Img OffShore
Si la délocalisation d’activités dans des pays émergents où la main d‘œuvre est moins coûteuse, est un sujet très médiatisé à l’heure actuelle, elle ne constitue pourtant pas un phénomène nouveau.

L’offshoring, une pratique déjà ancienne

Initiée par l’industrie dans les années 80, cette pratique a ensuite été appliquée dans l’informatique dans les années 90, puis reprise pour les centres d’appels plus récemment. Aujourd’hui, l’offshoring est une tendance forte touchant de nombreux secteurs, tout autant sur le continent américain qu’européen. Cependant, derrière ce mouvement apparemment univoque on observe des pratiques variées (offshoring, outsourcing etc.), et des résultats hétérogènes.

Tout d’abord, il faut bien distinguer la délocalisation et l’externalisation. Une activité peut être délocalisée vers une destination lointaine (par exemple en Asie) : c’est de l’offshoring ; vers un pays proche (en Europe de l’Est ou au Maghreb notamment), on parle alors de nearshoring ; ou même dans le même pays en province, pratique dénommée onshoring. Par ailleurs, la délocalisation peut s’accompagner ou non d’une externalisation. En effet, l’activité délocalisée peut être produite par un fournisseur (externe) ou au sein d’une entité du Groupe.

Outre la différence du coût de la main d’œuvre, constituant évidemment le principal avantage, d’autres leviers peuvent également encourager l’offshoring : une flexibilité plus élevée ; un service de meilleure qualité pouvant fonctionner jusqu’à 24H/24 au moyen de sites implantés sur des fuseaux horaires différents ; moins d’intervention étatique ; ou encore un positionnement dans de nouveaux pays favorisant un développement local ou le rachat d’une entreprise locale.

L’offshoring, une pratique rentable ?

Cependant, des gains générés il faut bien entendu déduire les coûts supplémentaires engendrés. Le premier poste, identifié depuis longtemps, réside dans la baisse de productivité accompagnant généralement une délocalisation. Les causes sont, entre autres, une main d’œuvre moins qualifiée, l’éloignement des interlocuteurs (engendrant un coût de pilotage plus important) et les différences culturelles. Si la plupart du temps, la baisse de productivité reste largement compensée par la différence du coût de la main d’œuvre, d’autres éléments peuvent se révéler à moyen ou long terme bien plus conséquents, et à terme faire pencher la balance de l’autre côté.

D’abord, la délocalisation conduit souvent à une baisse de la qualité : manque de communication entre les services, maîtrise insuffisante de la langue, etc. Par exemple, les centres d’appels délocalisés conduisent la plupart du temps à une détérioration de la relation client. En outre, l’image de l’entreprise dans les pays occidentaux peut également pâtir d’une délocalisation car cela reste un sujet sensible.

Par ailleurs, les investissements pour délocaliser sont coûteux et parfois sous estimés : aspects logistiques, infrastructures de communication performantes, formations non seulement techniques, mais aussi culturelles pour faire travailler ensemble les deux populations et surtout les réorganisations à mener dans l’entreprise. Ce dernier point varie énormément suivant le secteur et le métier délocalisé. Si l’offshoring des activités informatiques ou des call centers est maintenant plutôt bien maîtrisé, il est encore loin d’être mature pour la plupart des processus métier. Non seulement les processus sont plus complexes, mais leur délocalisation nécessite des transformations plus profondes de l’organisation (donc plus coûteuses), et la création de nouveaux métiers pour gérer ce mode de fonctionnement.

Enfin, le système de l’offshoring est victime de son succès et commence à s’engorger : du fait de l’augmentation de la demande en main d’œuvre qualifiée, celle-ci devient difficile à trouver dans certains pays. En Inde par exemple, son coût augmente très vite (de plus de 10% par an), et s’accompagne d’un taux de turnover très élevé. Ce phénomène est d’autant plus coûteux, qu’à l’augmentation pure des salaires, il faut ajouter un surcoût de gestion des ressources humaines (recrutement, fidélisation, passation, formation etc.) et bien entendu la perte de qualité supplémentaire en découlant.

Par conséquent, les expériences d’offshoring n’ont pas toutes été concluantes : une fois tous ces paramètres pris en compte, le coût peut s’avérer plus élevé qu’auparavant. Ainsi, on assiste depuis quelques années à un retour en arrière pour certaines activités. C’est ce que l’on appelle le backshoring. Les entreprises rapatrient leurs services ou rachètent et (ré)internalisent leurs sous traitants locaux afin de mieux maîtriser les activités.

L’offshoring dans le secteur financier en France

Si le secteur des services financiers n’était pas parmi les premiers concernés par les délocalisations, il constitue pourtant un des secteurs ayant le plus gros potentiel pour la délocalisation, du fait de l’importance des tâches de back office. En effet, ces postes sans relation avec la clientèle, et souvent à faible valeur ajoutée, sont des candidats idéals à la délocalisation. Ainsi un rapport de l’OCDE [1] classe respectivement l’assurance et les services financiers comme les 2è et 3è secteurs ayant le taux le plus élevé d’emplois délocalisables derrière l’informatique.

Dans ce secteur, les anglo-saxons ont été les précurseurs, et les français semblent encore hésiter à franchir le pas. Seule AXA a brisé le tabou en délocalisant des emplois administratifs au Maroc en 2006.

S’il est certain que les entreprises sont maintenant beaucoup plus sélectives dans la délocalisation de leurs activités elles n’y ont pourtant pas renoncé. Ainsi, après le mouvement d’hésitation récent ayant fait émerger les nouvelles best practices (offshoring sans externalisation notamment), on pourrait assister à une accélération notamment en France. En effet, la crise actuelle va très certainement obliger les entreprises à réduire notablement leurs coûts. Or, non seulement l’offshoring s’inscrit précisément dans la logique de réduction des coûts, mais en outre il contribue à l’industrialisation de l’entreprise, autre pratique génératrice d’économies. En effet, délocaliser impose comme pré requis d’industrialiser ses processus et de formaliser les relations entre les différents acteurs (ce qui est parfois difficile à faire au sein de l’entreprise), et génère donc des économies indirectes. Ainsi, à n’en pas douter l’offshoring a encore de beaux jours devant lui, mais un offshoring adapté et longuement étudié afin d’optimiser les aspects de coût, qualité et criticité.

L’offshoring n’est donc plus une fin en soi mais un moyen (entre autres) d’atteindre les objectifs de réduction des coûts définis notamment dans un programme plus large de Performance Opérationnelle (cf les articles suivants: Efficacité opérationnelle : Identifier et développer les gisements d’efficacité opérationnelle, Efficacité opérationnelle : quelles organisations pour les Banques de demain ?, Les pôles d’efficacité opérationnelle).

Sia Conseil


[1] POTENTIAL OFFSHORING OF ICT-INTENSIVE USING OCCUPATIONS


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