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Le Festival du Film de Fesses 2019 – Drink, sex, and fun

Par Julien Leray @Hallu_Cine

Tout le monde en veut, tout le monde y pense, mais personne n’ose en parler. Encore moins le représenter. Gare à celles et ceux qui souhaiteraient s’y risquer : une controverse est si vite arrivée. Le sexe (et la sexualité), c’est un peu le point Godwin des enjeux de société. Montrez autant que vous voulez des photographies à la violence graphique donnant la nausée, multipliez les remarques xénophobes, misogynes, globalement haineuses, tout cela mis bout à bout prêtera toujours moins le flanc à la censure qu’une paire de seins dénudés. Un non-sens qui défie la logique et l’entendement, mais qui ne semble pas émouvoir les GAFAM (Facebook notamment) pour autant. On en veut pour preuve les fermetures incessantes de pages de festivals, d’événements (puis de réouvertures consécutives, heureusement) gravitant autour de la sexualité (souvent féminine d’ailleurs) et de sa représentation. Une pudibonderie institutionnalisée, infusée depuis des décennies, années après années, au sein d’une production mainstream (cinématographique bien sûr, mais concernant plus généralement l’art grand public) frileuse à l’idée de s’aliéner une partie de son audience pour divergences morales ou politiques. Séduire le plus grand nombre, et en définitive, ne parler de rien pour plaire à tout le monde. Notamment une droite réactionnaire trop heureuse de s’indigner lorsqu’un tant soit peu dérangée. Polémiquer (de manière stérile) pour exister. Fort heureusement, les initiatives et les productions contestataires, au moins socialement engagées, brisant les tabous ou faisant corps avec eux, continuent d’éclore. Malgré les entraves à l’obtention de subventions (en France comme au Québec, notamment), la marginalisation faute de distribution. Malgré la brigade des moeurs et l’atrophie du « c’est de bon ton ».

Dans ce contexte peu propice à l’expression d’une voie alternative pourtant riche en créativité et en promesses, le Festival du Film de Fesses, dont la 6ème édition se tiendra du 27 au 30 juin prochains, apparaît à coup sûr comme l’une des plus belles propositions du moment. Porté à bout de bras par une équipe de jeunes vingtenaires et trentenaires à l’énergie communicative et au talent certain, le FFF, cinq ans après sa première édition, est devenu le rendez-vous incontournable du début d’été pour toutes les amatrices et tous les amateurs d’univers érotiques hauts en couleurs, de récits charnellement flamboyants, de concepts tantôt aguicheurs tantôt joliment déviants. Pour sûr, toujours passionnants. En somme, un excellent remède à la platitude d’un paysage médiatique aseptisé. Une curiosité qui sait faire plaisir et magnifiquement récompenser, grâce en premier lieu à une programmation de qualité.

Car c’est bien sur ce point fondamental que le FFF se démarque du tout-venant : en proposant un véritable travail de fond, une vraie ligne éditoriale, cohérente tout en restant surprenante. Au sein de laquelle peuvent notamment cohabiter la projection du fameux Under The Skin de Jonathan Glazer en odorama (âmes sensibles s’abstenir), avec celle du pas si éloigné (dans sa mise en scène des chairs et la sensualité macabre qu’il dégage) L’Étrange Couleur des larmes de ton corps d’Hélène Cattet et Bruno Forzani. Où une carte blanche est laissée à Lucile Hadzihalilovic (réalisatrice dInnocence et d’Évolution), et la lumière également donnée à des courts-métrages plus confidentiels propices à la prise de risques. En conjuguant metteur(e)s en scène de premier plan et artistes débutants, le FFF offre ainsi une peinture stimulante et rafraîchissante, déférente et résolument contemporaine d’un cinéma de genre « érotisé » et par là même, régénéré.

Or non content d’offrir un programme cinématographique des plus solides, le Festival du Film de Fesses proposera en sus, le dimanche 30 juin, son « Dimanche hors les fesses », où divers artistes et artisans (musiciens, photographes, mais aussi conteuses, illustratrice, sculptrice, ou encore brodeuse) se relaieront tout au long de la journée afin d’élargir les perspectives des festivaliers, et leur conférer une vision hétéroclite, riche et nuancée, du sexe comme moteur créatif.

Volontiers transgressif, un brin provocateur, mais définitivement léger et enjôleur, le Festival du Film de Fesses n’est sûrement pas le festival de plus. C’est au contraire un événement qui, par les temps qui courent, doit plus que jamais être soutenu. Pour son audace, sa liberté. Bien sûr, aussi, pour sa mise en valeur des sexualités. Un pas essentiel pour leur acceptation et leur démocratisation. Dans la joie et la décontraction ! Quatre jours de festivités en plein coeur de Paris (les projections étant réparties entre le Reflet Médicis, La Filmothèque du Quartier Latin, le Cinéma Le Méliès, et le Point Éphémère) qui promettent donc beaucoup, et dont la présence des cinéphiles de tout bord serait à coup sûr une preuve de bon goût. En serez-vous ?


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