sont les sombres semaines sans espoir
où la nature en sa nudité
égale la sottise de l’homme.
L’année plonge dans la nuit
et le cœur plonge
plus bas que la nuit
dans un vide balayé par les vents,
sans soleil, sans étoiles, sans lune,
mais une lumière étrange — on dirait celle d’une pensée —
allume un sombre feu,
pivote pour s’allumer enfin dans le froid,
puis expliquer à l’homme
ce qu’il ne connaît pas,
ni la solitude — pas de fantôme
qui ne cherche l’étreinte —
ni le vide,
ni le désespoir (tous deux gémissent,
tous deux sifflent)
parmi les éclairs et les bruits de la guerre ;
les maisons aux chambres
dont le froid consterne l’esprit,
les êtres aimés mais disparus,
les lits qui sont vides, les divans
humides, les chaises vacantes…
Qu’on les cache,
loin de l’esprit, qu’on les laisse
prendre racine et grandir, à l’abri
des yeux et des oreilles jaloux — seuls, tout seuls,
Tous, tous viennent creuser cette mine.
Est-ce la souche d’un chèque tiré
sur la musique la plus douce ? La source de poésie
qui, voyant l’horloge arrêtée, dit :
« L’horloge s’est-elle arrêtée,
qui hier encore marchait si bien ? »
Puis elle écoute l’eau qui jaillit
du lac — déjà devenu pierre.
*
These
are the desolate, dark weeks
when nature in its barrenness
equals the stupidity of man.
The year plunges into night
and the heart plunges
lower than night
to an empty, windswept place
without sun, stars or moon
but a peculiar light as of thought
that spins a dark fire—
whirling upon itself until,
in the cold, it kindles
to make a man aware of nothing
that he knows, not loneliness
itself– Not a ghost but
would be embraced– emptiness,
despair– (They
whine and whistle) among
the flashes and booms of war;
houses of whose rooms
the cold is greater than can be thought,
the people gone that we loved,
the beds lying empty, the couches
damp, the chairs unused—
Hide it away somewhere
out of the mind, let it get roots
and grow, unrelated to jealous
ears and eyes– for itself.
In this mine they come to dig– all.
Is this the counterfoil to sweetest
music? The source of poetry that
seeing the clock stopped, says,
The clock has stopped
that ticked yesterday so well?
and hears the sound of lakewater
splashing– that is now stone.
***
William Carlos Williams (1883-1963) – Anthologie de la poésie américaine (Stock, 1956) – Traduit de l’américain par Alain Bosquet.