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Ecrire

Par Antigone

Ecrire

Des jours que tu tournes autour de tes phrases, sur ce cahier, que tu te rêves écrivain. Les orteils dans le sable, les enfants plus loin, en train de jouer. Le goût du sel sur cette mèche de cheveux qui se coincent dans tes lèvres à l’occasion d’un coup de vent. Les surveiller. Ton rôle. Ta victoire. Ce boulot d’été qui va te permettre de gagner encore en indépendance, en assurance. Ce travail que tu aimes et détestes à la fois. Ton nom dans leur bouche, sucré comme il ne l’a jamais été et ne le sera jamais plus. Et leurs bras autour de ton cou. Puis leur regard qui te fait mal, qui te ramène à ta place. La bonne. Leurs jouets de plage éparpillés. Ces grains de sable dans les pages de ton livre, dans ton cahier, dans toutes tes affaires, dans l’ourlet de tes oreilles. Le rythme bien huilé de tes journées. Eux comme seul but. Ta peau qui prend de jour en jour des tons cuivrés, pour rien. Les garçons ne te regardent pas, encombrée que tu es d’enfants, du matin au soir. Et le soir justement, dans ta chambre, enfin seule, ces classiques que tu dévores en prévision de ta rentrée. Ces notes que tu prends. La vie devant toi. L’écriture. Plus tard, dans la soirée, les adultes dans le couloir, qui parlent de toi, des autres familles qu’il faudra inviter demain. Des enfants en plus. Tu calcules dans ta tête leur nombre. Tu soupires, ce n’était pas prévu. Ils sont en vacances. Les enfants ne pèsent pas. La bonne est là. Enfin pardon, la jeune-fille. Découverte de ce monde auquel tu n’appartiens pas, étrangeté de ta transparence que tu découvres, toi fille de prolétaire. Les maisons sont grandes, belles, les enfants blonds, habillés de vêtements semblables. Les cheveux des filles, lisses, sont bridés par un serre-tête fin. Ils ne crient qu’en ta présence. Pour leurs parents, ils sont réveils tendres de fin de sieste, sourires radieux de retour de plage. Toi, chargée comme un mulet, les cheveux en bataille, tu esquisses des sourires en permanence. Tu savoures la douceur des babillages d’enfants et tu ronges ton frein. Tu penses aux phrases, aux mots, à ce Tristan et Iseult que tu viens de terminer, au prochain poche que tu vas ouvrir, à cette pause de milieu de journée qui te voit filer en vélo vers le port. Tu as vingt ans, peut-être vingt et un.

Crédit photo – https://pixabay.com/fr


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