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Le Livre de la Jungle. De l’anti-spécisme chez Disney ?

Par Balndorn
Le Livre de la Jungle. De l’anti-spécisme chez Disney ?
Résumé : Les aventures de Mowgli, un petit homme élevé dans la jungle par une famille de loups. Mais Mowgli n’est plus le bienvenu dans la jungle depuis que le redoutable tigre Shere Khan, qui porte les cicatrices des hommes, promet d’éliminer celui qu’il considère comme une menace. Poussé à abandonner le seul foyer qu’il ait jamais connu, Mowgli se lance dans un voyage captivant, à la découverte de soi, guidé par son mentor la panthère Bagheera et l’ours Baloo. Sur le chemin, Mowgli rencontre des créatures comme Kaa, un python à la voix séduisante et au regard hypnotique et le Roi Louie, qui tente de contraindre Mowgli à lui révéler le secret de la fleur rouge et insaisissable : le feu.
Un remake du Livre de la Junglede Walt Disney, à l’heure où la firme souffre des critiques quant à la représentation des femmes, des minorités raciales ou encore de son anthropomorphisme simpliste, constitue une épreuve. Avec ses adaptations live (Maléfice, Into the Woods) et ses nouvelles princesses plus combatives (Raiponce dans le film éponyme), plus métissées (Tiana dans La Princesse et la Grenouille) et moins naïves (Elsa dans La Reine des Neiges), le studio semble actuellement effectuer un grand virage vis-à-vis de la tradition puritaine initiée par le maître en tenant compte des reproches qui lui sont adressés.
Dans le prolongement de cette petite révolution à l’intérieur du géant Disney, Jon Favreau et son équipe s’attaquent au problème épineux de la représentation animale dans le dessin animé. Avec assez de bonheur.  

La synthèse, art de l’hybridité
Comme Maléfice, Le Livre de la Jungle nouvelle version sort des sentiers battus du paysage enchanteur des Disney classiques. Bill Pope fait des merveilles avec ses photographies en prises de vue réelles, qui simultanément célèbrent la puissance sublime de la jungle dans ses cascades, ses falaises et ses exubérances florales, et les ténèbres qu’elle love.   Si l'on ne peut qualifier le mélange de prises de vue réelles et d'animaux en synthèse de réaliste, on peut cependant noter à quel point cette hybridité donne sa force d'expression au film, tranchant ainsi avec les mièvres dessins de Walt Disney. Là où Baloo (Bill Murray), dans le dessin animé de 1967, s'apparentait à un bouffon dansant, c'est désormais un ours en chair et en os de synthèse qui impose sa présence velue. Le choix de ne pas synchroniser les dialogues et les mouvements des gueules évite de la même manière l'écueil d'un trop grand anthropomorphisme, en restituant aux animaux un langage que n'intègre pas complètementla société humaine.   Peut-être se trouve là l'une des principales ruptures avec l'esth-éthique originelle de Disney. Le créateur, très puritain, avait toujours fait en sorte d'atténuer la violence de ses figures, en les encadrant par des lignes et des couleurs claires, qui définissaient d'emblée bons et méchants. À l'inverse, dans un monde à l'esthétique hybride exploré par une caméra très mobile, les frontières deviennent plus floues. À l'image de Mowgli (Neel Sethi) qui se perd dans une jungle fascinante et foisonnante, le nouveau Disney se lance dans une plus grande complexité morale.  
Un manichéisme plus trouble
Le serpent Kaa et le tigre Shere Khan, grands méchants du Disney originel, acquièrent dans ce remakeune puissance de séduction qui les arrache à un banal manichéisme. Doublé par Scarlett Johannson, Kaa constitue un être étrange, aux capacités d'envoûtement virtuellement infinies, auquel Mowgli et le spectateur céderaient volontiers. L'inquiétante étrangeté et le pouvoir de faire douter gagnent un personnage hanté par la Genèse.   Quant à Shere Khan (Idris Elba), il a tout du villainaméricain. Le villain poursuit un idéal – la défense de la jungle contre les hommes pour le tigre – qui légitime à ses yeux sa violence. Le villainShere Khan ne rentre pas dans le cadre des grands méchants qui veulent dominer le monde, car Shere Khan, personnage tragique, use de sa force pour protéger ceux qu'il estime son peuple. L’œil borgne de Shere Khan, signe de son sacrifice passé pour la cause, lui confère une étrange aura de mystère et de savoir, que n'ont pas normalement les méchants Disney.
Le Livre de la Jungle ne représente pas à proprement parler un film anti-spéciste. Les animaux restent identifiés à des types humains, et la quête de Mogwli passe toujours au premier plan.   Néanmoins, il marque un tournant dans la tradition figurative de Disney. La clarté cède le pas au trouble, la paix des lignes à l'énergie du clair-obscur, la fixité à l'exploration. Le manichéisme à une plus grande ambivalence.

Le Livre de la Jungle. De l’anti-spécisme chez Disney ?
Le Livre de la Jungle, Jon Favreau, 2016, 1h46
Maxime
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