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Sauvage est le vent

Par Jilcaplan

Je rente chez moi
dans la nuit
Combien de fois suis-je rentrée dans la nuit chez moi
en tremblant légèrement
revenue d'un restaurant,
d'un spectacle,
de chez des amis,
revenue d'un autre monde.
Combien de fois, la nuit
combien de fois, la tristesse de quelque chose qui ne veut pas se dire
qui ne veut pas partir
Cette chose épaisse et lourde
là, au fond, tout au fond,
cette mélasse dans l'estomac
cette bête tapie dans l'ombre,
ce sac de sable dans les membres
dans le coeur
Combien de fois, combien de fois
et depuis si longtemps, si longtemps que ça dure
Combien de temps encore,
à porter ce sac dans son ventre,
ce sac qu'on aimerait foutre par dessus bord
et s'en débarrasser pour de bon
Mais est-ce vraiment ça que l'on veut ?
Aller plus loin que ça,
oui,
dépasser le sac de sable
dépasser ce soi imprononçable,
cet endroit où l'on se retrouve immanquablement comme une sorte de rendez-vous fatal,
à la fois point de départ et point d'arrivée.
Tendre la main, ouvrir les bras,
fendre le sac,
se coucher contre une épaule gentille
se réparer,
Etre soi-même une épaule gentille pour quelqu'un
Nettoyer tout ça,
nettoyer ce fatras de poussière sur nous,
ces particules fines qui nous collent dessus, partout,
sur le visage, les cheveux, les cils,
souffler sur cette férocité sans nom,
celle d'hier et celle de demain,
qu'elle s'envole enfin,
qu'elle dégage.
Sauvage est le vent


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