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La Musique engloutie, de Christian Haller

Publié le 30 juillet 2019 par Francisrichard @francisrichard
La Musique engloutie, de Christian Haller

Dans mon ventre la musique fait di da da doum, di da da doum...

Ruth S., la mère du narrateur de Christian Haller, ne va pas bien. Elle n'arrive pas à se débarrasser de La musique engloutie. Elle vit encore seule dans sa petite maison de L. mais bientôt elle devra être hospitalisée après une chute.

C'est en tout cas dans sa maison, après avoir appelé le médecin (qui prescrit un neuroleptique) puis couché sa mère, que le narrateur va chercher le coffret Biedermeier qui se trouvait dans le salon de son grand-père à Bucarest:

Il était rempli d'albums et d'enveloppes pleines de photos, les images de toute une vie, désordonnées et fragmentées, comme les souvenirs de ma mère aujourd'hui.

Le récit familial, objet de ce roman dédié à la mère de l'auteur, part de ces vestiges d'un autre temps. Comme ils sont insuffisants pour le reconstituer, le narrateur brode, fait appel à son imagination pour en combler les lacunes.

Son grand-père S. a vécu en Roumanie de 1912 à 1926. Arrivé seul, il loge d'abord dans la maison des Schachter à Bucarest. Quatre mois plus tard il est rejoint par sa femme et ses deux enfants, Curt, six ans, et Ruth, trois.

Les S. de Cologne ont une devise, à laquelle aucun membre de la famille ne s'est tenu un seul instant: Le présent est notre vie. Il serait vain d'aspirer à retrouver un âge d'or que nul jamais n'entrevoit. Ruth ne fait pas exception.

Maintenant qu'elle n'est plus bien portante, elle aimerait savoir ce qu'est devenue la Roumanie, qu'au fond elle n'a jamais quittée: est-ce qu'existent toujours le monde distingué de son père, ses valeurs et son mode de vie raffiné?

Alors son fils s'y rend quatre-vingt-cinq ans après son grand-père pour pouvoir lui dire ce qu'il en est. Sur place, il loge chez Uricariu, un professeur émérite de biologie, pour qui le conducator Ceaucescu a fait beaucoup de bonnes choses...

ll rencontre par hasard Sorin Manea, un herpétologue avec qui il a fait connaissance un jour lors d'un congrès. Lui n'a pas le même souvenir ému que le professeur Uricariu: il a fait de la prison sous Ceaucescu, pendant trois ans.

Il ne racontera pas à sa mère de telles histoires, non plus que le pogrom perpétré par les nazis le 21 janvier 1941. Il l'appellera du lieu de son enfance, où elle avait vécu la meilleure part de son existence pour lui dire qu'il adore cette ville:

Je compris qu'à ce moment-là, par ce voyage, j'étais devenu un émissaire spirituel, un messager qui lui apportait des nouvelles de sa sphère la plus intime et qui communiait avec un être qui se débattait face à sa propre mort.

Francis Richard

La Musique engloutie, Christian Haller, 272 pages, Zoé (traduit de l'allemand par Jean Bertrand)


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