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Textiles cérémoniels Iban (11)

Publié le 22 août 2019 par Detoursdesmondes
1983.131-Dallas-zoom

Certains textiles cérémoniels Iban étaient accrochés sur les murs des maisons longues à l'occasion de cérémonies rituelles, de mariages ou de nos jours, lors de festivals. Ils servaient dans certains cas à délimiter des espaces sacrés et à indiquer, d'une part aux participants que l'action rituelle était en cours, et d'autre part à signaler aux dieux que leur attention était recherchée.
Ils pouvaient également être utilisés pour envelopper le corps d'un défunt lors de cérémonies funéraires.
Les textiles les plus importants sont de la taille d'une couverture, appelés pua (i.e. "couverture" en Iban). Parmi eux, la catégorie "sacrée" est nommée "pua kumbu". Ils sont réalisés selon la technique de l’ikat, les principaux motifs sont dessinés en teintant progressivement le fond, généralement en brun rouge, bleu indigo, brun foncé ou noir et en laissant certaines zones vierges. Les dessins représentent des formes humaines, animales, des éléments de la flore ; ils sont généralement intriqués et très stylisés. Il est ainsi difficile de déchiffrer la complexité des pua, comme si les motifs pouvaient se regarder en double lecture ; et si, chaque pua kumbu possède bien un nom propre, celui-ci, généralement ne nous renseigne pas ce qui est représenté.
On se souvient des études d'Alfred C. Haddon, lesquelles, publiées pour la première fois en 1936, demeurent aujourd'hui encore une référence.
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La réalisation des pua kumbu est l'apanage des femmes qui s'en transmettent la technique de mère à fille.
Des pua sungkit, plus petits, étaient jadis réalisés avec un travail encore plus minutieux et étaient portés par des personnes de rang élevé ou en de rares occasions comme celle du retour des hommes d'une chasse aux têtes.(cf. Photo 2)
En ce qui concerne celui dont un détail est donné en photo 1, la notice du musée de Dallas précise que des motifs de serpents d'eau géants sont placés le long des côtés du panneau central afin de contenir les divinités sur ce tissu. C'est dire l'agentivité d'une telle pièce !
Ces divinités présentées ici, incluent, de bas en haut, six femmes agenouillées ou accroupies, les bras tendus (peut-être la représentation de la fille aînée du dieu de la guerre), et six demi-dieux (peut-être aussi ici la représentation du fils de cette déesse) portant un pagne, une épée à la ceinture ornée de charmes, et tenant un panier en rotin contenant une tête trophée afin de la présenter à sa mère. Quant au registre supérieur, il s'agit peut-être d'êtres humains pouvant représenter des ennemis tués ; et ce de manière grotesque... Voilà par exemple un essai d'interprétation sans beaucoup d'assurance.
Pua-lezards-dallas

Lors de fêtes religieuses célébrant l'introduction d'une nouvelle tête trophée dans la maison longue commune, le rituel accompli faisait en sorte que la force spirituelle intense de la "couverture" transforme le potentiel de malveillance de la tête trophée en une bonne volonté empreinte de puissance et de fécondité.
La Tun Jugah Foundation de Kuching présente un musée fort intéressant comportant des pièces exceptionnelles, on peut y voir aussi des démonstrations expliquant le processus de fabrication des Pua.
(Cf. Video ci-dessous, vidéo publique car interdiction de photographier et filmer lors de mon passage en 2016).

À suivre...
Photo 1 : Détail d'un pua sungkit © Dallas Museum 1983.131
Photo 2 : Retour de chasse aux têtes, © Charles Hose 1896.
Photo 3 : Ceremonial cloth (pua) with monitor lizards slumbering on watchtowers (bundau bepadung) © Dallas Museum 1983.130
Notice : Six monitor lizards confront their counterparts across a line symbolizing a spiritual chasm that keeps the reptiles from attacking one another. They are hedged within upper and lower bands of selaku, or borders. A stylized trophy head motif contained in the bands serves as spiritual nourishment for the reptiles so that they do not break free and devour the weaver and her family. The borders of this cloth are finished off with a design known as Bali Mabuk, or "Drunken Decapitated Corpse," a poetic name for staggering decapitated corpses of enemies.
Reptiles such as monitor lizards, crocodiles, pythons, and water serpents were harnessed as the spirit protectors of warriors; they advised and warned them of danger through dreams. Bandau Bepadung, or "Monitor Lizards Slumbering on Watchtowers," recalls the days of headhunting when warriors would often sit atop high platforms to survey and keep watch over their territory.
Excerpt from Roslyn A. Walker, Label text, 2016.


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