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Jim Harrison – De la poésie maintenant

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Jim Harrison – De la poésie maintenantLa poésie empeste dix mille poètes
qui pissent dans le même bol qui déborde.
Il faut y aller seul et nager de nuit
sur la rivière sans retour.
À l’aube, nous verrons des animaux inconnus
sur la rive, et des femmes inconnues, certaines
sans visages. Maintenant nous sommes certains
d’avoir à la fois la lèpre et la gangrène, d’être des parias. Après
quelques nuits, nous perdons peu à peu la vue mais à présent
nous avons gagné une lumière intérieure qui envahit
notre tête. Nous parlerons au vieux Rumi
et ne ferons plus qu’un avec le Grand Tao. Nous accostons
sur une rive et marchons à l’aveugle dans une forêt
tout en recouvrant lentement la vue. Nous voici
maintenant dans l’ouest de la Chine, lisant les vieux
poèmes locaux. Nous sommes de retour sous la dynastie Tang
et il faut quelques siècles pour marcher
lentement jusqu’en Europe tout en lisant. Nous
faisons halte en France et parcourons un autre siècle
en lisant tous ces grands poèmes européens. Quand nous
rentrons chez nous dans le Midwest, personne ne nous reconnaît
mais nous avons appris le cosmos de la poésie.

*

Poetry Now

Poetry stinks with ten thousand poets
pissing in the same overflowing bowl.
We must go it alone, swimming at night
down the River of No Return.
At dawn we’ll see unknown animals
on the bank, and unknown women, some
without faces. We’re now sure that we
have both leprosy and gangrene, outcasts. After
a few nights the sight begins to fail but by now
we’ve earned an inner light that blossoms
in our heads. We’ll talk to old Rumi
and become one with the Great Tao. We get
out on a bank and walk blindly into a forest
with our sight slowly returning. We are
now in western China and read the local old
poems. We’re back in the Tang dynasty
and it takes a couple of centuries to walk
slowly to Europe reading all the way. We
stop in France and read another century
in all these great poems of Europe. When we
get home to the Midwest nobody recognizes
us but we have learned the cosmos of poetry.

***

Jim Harrison (1937-2016)Dead Man’s Float

(Copper Canyon Press, 2016) – Traduit de l’américain par Stéphane Chabrières.


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