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Serre à quoi ?

Publié le 28 septembre 2019 par Morduedetheatre @_MDT_

Serre à quoi ?

Critique de Data Mossoul, de Joséphine Serre, vu le 20 septembre 2019 au Théâtre de la Colline
Avec Guillaume Compiano, Camille Durand‑Tovar, Elsa Granat, Estelle Meyer, Édith Proust, Aurélien Rondeau, Joséphine Serre, dans une mise en scène de Joséphine Serre

J’ai encore du mal à réaliser que ça ne fait que deux ans et demi que je fréquente ce théâtre. Moins souvent déçue qu’ailleurs, presque toujours intéressée, j’avoue ne plus du tout étudier ce que je vais voir et faire confiance à la programmation de Wajdi Mouawad. Je dois assister aux trois-quarts de la saison. Petite et grande salle, sans discrimination. Ça a des bons comme des mauvais côtés. Moi qui aime le côté rassurant de retrouver sur scène des visages connus, ce théâtre chamboule mes habitudes. Et voilà que je me retrouve dans une salle où je ne sais pas ce que je vais voir, où je ne connais ni les comédiens, ni l’auteur et metteur en scène, et que je découvre que le spectacle dure 2h45. Ambiance.

Au début de la pièce, on rencontre Mila Shegg, une data scientist travaillant pour une grande entreprise de data, Geolog. On apprend rapidement qu’elle a perdu la mémoire sur trois ans, de 2014 à 2017, mais qu’elle garde en mémoire le nom de Mossoul, alors même que la ville a été rayée de la carte du monde. Alors quand Geolog, sous l’impulsion du gouvernement, décide de supprimer du Web les pages antérieures à 2025 sous prétexte qu’elles contiendraient essentiellement des fake news, et qu’elle se retrouve en charge d’exécuter l’algorithme menant à la disparition, elle rajoute quelques lignes à son algorithme de façon à ce qui a été publié ces trois années ainsi que ce qui a un lien quelconque avec Mossoul soit sauvegardé. La pièce fera des sauts réguliers dans le temps pour remonter au VIIe siècle avant JC où a vécu Assurbanipal, fondateur de la première bibliothèque de l’humanité. En recherchant Assurbanipal et Mossoul sur internet, Mila Shegg va se retrouver dans un hotel occupé par des hackers et, passant de leur côté, va tenter de contrer le mouvement du gouvernement tendant à effacer purement et simplement des années de publications du Web.

Il y a d’abord la bonne surprise. Le sujet est plutôt intéressant, la mise en scène dynamique. Je me rends rapidement compte que je me plais à suivre cette histoire, et que, comme les scolaires qui ont envahi le premier rang et ont rapidement cessé leurs ricanements avec l’avancée de la pièce, j’ai envie de connaître la suite, je m’attache aux personnages. Le texte, souvent sérieux et suivant son fil directeur, n’oublie pas d’y insérer une dose d’humour bienvenue. Je découvre en Edith Proust une comédienne toute en subtilité, avec des regards d’une intensité rares et qui expriment bien plus que ce que le texte lui donne à jouer. On se perd dans ces regards d’enfance plein de désir de connaissance et d’espoir dans l’avenir. J’ai aimé ces regards.

Il faut quand même se rendre compte que l’autrice a choisi peut-être deux des mots les plus putaclics du moment… pour y cacher quoi, finalement ? Si le point de départ me semble réellement intéressant, c’est ce qu’elle en a fait qui me dépasse. Je ne comprends pas où elle va, je ne vois plus le rapport entre les scènes qui passent et l’intrigue originelle.Si tout se tient plus ou moins scientifiquement dans le point de départ, on s’écarte rapidement de la cohérence du début pour des scènes toujours plus farfelues, des mélanges d’époque, des nouveaux personnages, des histoires dans l’histoire de l’Histoire… Rapidement, j’ai compris que j’étais un peu perdue et, des nombreuses scènes qui s’enchaînaient sous mes yeux, j’ai décidé de ne m’accrocher qu’à l’histoire centrale qui, elle, me semblait encore à peu près claire.

Et puis il y a la très mauvaise surprise. Une très mauvaise surprise qui dure près d’une demi-heure, c’est une très LONGUE mauvaise surprise. Je dois reconnaître que je n’ai pas du tout compris ce qu’il se passait. Tout d’un coup tout se mélange. Les comédiens se mettent à hurler leur texte vainement : la musique est si forte que leur partition n’est plus du tout perceptible. Toutes les époques sont présentes sur le plateau, tout le monde parle à tout le monde, les personnages courent dans tous les sens, la lumière est aveuglante, le son désagréable, c’est une cacophonie sans nom et je me mets à ne souhaiter plus qu’une chose : que tout s’arrête.

On aimerait appuyer, nous aussi, sur DELETE pour cette fin cacophonique… 

Serre à quoi ?

© Véronique Caye 2019


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