Magazine Livres

"Le Secret des conteuses" ou l'art de la conversation au théâtre

Par Lesalondeslettres @Salon_Lettres

Cet après-midi là, Ninon de Lenclos a souhaité réunir Madame de Sévigné, Mademoiselle de Scudéry et Madame Scarron dans son salon afin de les initier à un petit jeu de sa composition. La pièce de théâtre - une comédie - est une création originale déclamée actuellement au Théâtre Déjazet.

"Que se passe-t-il dans cette maison ?", s'interrogent Madame de Sévigné, Mademoiselle de Scudéry et Madame Scarron (future Madame de Maintenon). En ce jour de l'année 1671, les trois femmes se retrouvent toutes chez Ninon de Lenclos, à l'hôtel de Sagonne, à Paris. Un salon très couru, où se presse ordinairement la belle société. Mais cet après-midi là, Molière, La Fontaine, La Rochefoucauld et bien d'autres auront beau se présenter à la porte, ils ne seront pas reçus. La courtisane Ninon de Lenclos est pourtant friande de la compagnie masculine, mais aujourd'hui, les hommes - aussi éminents soient-ils - ne sont pas les bienvenus.

"Pourquoi des femmes ? Parce que je voulais faire un hommage aux hommes. Et pour faire un hommage aux hommes, il fallait trouver des femmes du XVIIe siècle", explique Martine Amsili, autrice et metteure en scène de la pièce. Les quatre convives n'ont pas été choisi par hasard, ce sont toutes des représentantes de l' Esprit féminin français du XVIIe siècle. Il y a la fameuse Madame de Sévigné, grande épistolière ; Madame Scarron, qui fut chargée de l'éducation des enfants de Louis XIV et de Madame de Montespan ; et enfin la Précieuse Madeleine de Scudéry, qui tenait elle-même un salon dans le Marais et écrivit deux romans héroïques : Artamène ou le Grand Cyrus et Clélie. S'ajoute à ces beaux esprits la naïve et attachante Louison, chambrière qui ne comprend pas le but poursuivi par sa maîtresse.

Vous pensez voir une histoire dans l'Histoire ? Détrompez-vous ! Nous sommes dans une comédie où les quatre personnalités montrent qu'elles sont aussi drôles. L'imprévisible Ninon, surnommée "Notre Dame des Amours", veut les initier à un petit jeu de sa composition : le secret des conteuses. L'idée qui poursuit la courtisane est de faire parler ces femmes, qu'elles se confient sur un honnête homme qu'elles ont aimé, chéri, avec qui elles auraient aimé passé la vie mais n'ont eu droit qu'à une nuit. Des secrets qu'elles gardent et que personne ne connaît encore...

"Il y a une dramaturgie. Au départ, ces femmes sont des convives. Ensuite, elles sont des causeuses, des femmes qui racontent la cour - que fait le Roi, avec qui va-t-il aujourd'hui ? Puis, elles deviennent des conteuses et des comédiennes de la vie où Molière puise ses comédies", explique la metteure en scène. On n'entre pas tout de suite dans le jeu - il faut bien présenter les personnages -, ce qui laisse le temps de rentrer dans l'époque. Mais c'est chose aisée. Au plafond, un lustre en bois avec des chandelles. Comme à l'époque. Nous sommes bien au 36 rue des Tournelles grâce aux décors - des dessins peints en 3D. Les costumes, confectionnés par des artisans d'aujourd'hui d'après des tableaux de l'époque, n'ont rien de factice (comme c'est souvent le cas dans les reconstitutions) et font encore davantage briller ces femmes.

Éditée il y a vingt ans avec sept personnages, la pièce a été remaniée par Martine Amsili. Celle qui a écrit une thèse sur l'art épistolaire au XVIIe siècle a voulu faire une pièce qui s'adresse à tout le monde. La langue déclamée sur les planches n'en reste pas moins celle d'une toute autre époque mais s'avère absolument sublime. "Cette pièce a été écrite dans la musicalité. J'ai gardé la syntaxe du XVIIe siècle." Martine Amsili a écrit délicatement et conformément à l'époque, tout en essayant "de ne pas mettre trop de mots érudits."

=> Le Secret des conteuses nous plonge ainsi dans une toute autre époque, où la galanterie et l'art de converser primaient. Une belle pièce à voir... et aussi à écouter !

Représentations jusqu'au 12 octobre 2019


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Lesalondeslettres 542 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine