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« C’est combien ? » d’Anne Calife, ou "la vie criante de vérité d'une prostituée". Un récit brillant, nécessaire et incontournable.

Publié le 14 octobre 2019 par Hizine2t @HizineMag


C’est combien d’Anne Calife, criante vérité d'une prostituée

« C’est combien ? »Anne Calife* Ed° the Menthol House – Collection « Les Orties** »

Sortie le 1er Novembre 2019.

« Fille de joie. La joie de qui ? »  Benoîte Groult. 

« Fille de joie », terme désuet et « doux » euphémisme pour parler d’une prostituée, d’une traînée, d’une pute quoi ! Notez qu’on ne dit pas « femme », mais « fille », comme pour la dégrader de ce titre honorifique.
La pute, dans l’imaginaire collectif c’est donc une « fille qui fait le trottoir », « une fille publique », une fille qui vend son corps pour de l’argent.Pour ou contre de l’argent ? D'ailleurs,  « C’est combien ? »C’est là que tout commence et que tout finit. 
Donner un prix à son corps, pour le vendre et le mettre à disposition d’inconnus, c’est la bascule. Plier son corps, le salir, le soumettre coûte que coûte. Vendre sa chair coûte cher. Mais qui paie le prix fort ?
Le client se soulage et gicle ses billets comme sa semence. Presque par inadvertance. La « fille »,
elle, reçoit son dû, récolte le fruit de son labeur. Fruit tarifé de sa douleur.Natacha raconte et on la lit, comme on l’écoute. Avec respect et émotion.
Natacha présente la prostitution telle qu’elle est. Sans fards, sans paillettes, sans glamour.
Oubliez les Call-girls et autres « Sugar-babies » médiatiques.La prostitution est une violence tarifée. Point barre. Et personne n’en sort indemne.
Se donner un prix, c’est perdre sa valeur.Ecoutez : C’est combien d’Anne Calife, criante vérité d'une prostituée
Natacha, va plus loin. Dans son authenticité, elle reconnaît jouir de la puissance originelle
de sa séduction. L’emprise de sa beauté, de sa féminité et de son impitoyable "fémellité"
sur les hommes. Ils deviennent alors sa proie, mais pour un instant seulement. Ils cèdent.
Et puis « C’est combien ? ». Et tout recommence.

Tout n’est qu’illusion.

L’argent n’est que l’illusion du pouvoir mêlé à la frénésie de l’avoir. Bijoux, vêtements, chaussures… Acheter sans compter. Tout claquer et dans le luxe s’il vous plaît ! Dégainer ses liasses comme une arme. Cette fois, c’est elle qui vous braque et vous dépouille. Elle a le pouvoir.
C’est combien d’Anne Calife, criante vérité d'une prostituée

Tout n’est que désillusion.

Brouiller ses sens pour quitter un réel
qui n’en a plus. Commence alors, la ronde des psychotropes, de l’alcool, de tout et n’importe quoi, pour ne plus être là quand les autres y sont. Et ils sont toujours là, tout le temps…
Et s’il ne restait qu’à disparaître ?S’échapper encore et toujours, par la pensée, le rêve et la lumière. 
Natacha, s’envole, se métamorphose et devient nénuphar. Le corps dans la vase mais le cœur tourné vers le soleil. La vie, alors, l’emportera. 

Anne Calife met en mots, les maux d’une fille qui pourrait être elle, moi, vous, nous. La voix de Natacha c’est elle. 


C’est Anne qui détaille le quotidien d’une femme qui se vend à coups de « C’est combien ? ». Et de ces hommes qui traînent leur vie comme leur sexe, mollement, aussi triste l’une que l’autre, et qui l’achètent, elle, comme si elle ne valait rien. 
Un va-et-vient aux allures de mouvement perpétuel. Mais les humains ne sont pas éternels.
Sauf peut-être leur âme, s’ils leur donnent des ailes. Et bonne nouvelle, Anne Calife, en a accroché deux aux dos de Natacha. Pourvu qu’elle s’en souvienne…
 « C’est combien ? », un récit vrai, cru et sans concessions sur la prostitution. On se fond dans le style organique d’Anne Calife et ses mots simples pour dire ce qui est. Elle évite tout pathos et voyeurisme, pour rendre compte de la réalité d’une désespérance humaine contemporaine.

Et, en filigrane, se rappelle combien la condition des femmes est encore et toujours en lutte, pour trouver sa pleine intégrité. 

Croire et faire croire que la prostitution est un choix de vie pleinement consentie et heureux est une foutaise sociétale patriarcale. Aucune liberté ne se gagne à se vendre.
L’abolition de la prostitution est un combat. Ne l’oublions pas.
Et en attendant, Natacha et les autres, ne les jugeons pas.

« C’est combien ? » d’Anne Calife, un récit brillant, nécessaire et incontournable.

Téri Trisolini

*L'auteure : Anne Calife
Anne Calife, de son premier nom d’auteur Anne Colmerauer, partage sa vie entre Paris et Metz. Influencée par ses études de médecine, son écriture s’inspire du vivant. Elle a publié aux éditions Mercure de France, Galimard, Albin Michel, Editions Héloïse D’Ormesson, Balland. Dans ses livres, repris par la collection Orties, elle explore les vibrations d’aujourd’hui en pointant du doigt, les dérives, marges (solitude, exclusion, folie, dépendances) mais aussi les bonheurs de la vie, fugaces et fragiles.
C’est combien d’Anne Calife, criante vérité d'une prostituée
**Collections "Les Orties"
The Menthol House propose des livres lumineux capables de nous guérir des mensonges empoisonnés, avec des auteurs affranchis des conventions. Des inconsolés qui consolent, des brûlés qui rafraîchissent. La collection Orties, des textes précis, piquants pour résister, pour ceux qui sont sur le point d’abandonner la partie. La collection Orties, pour se défendre.

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