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Reconnaissance faciale : quelles libertés pour la société de demain ?

Publié le 18 novembre 2019 par Podcastjournal @Podcast_Journal

La reconnaissance faciale est de plus en plus utilisée dans notre société. La Chine, l'Angleterre, réputées pour l'utiliser dans le cadre de la vidéosurveillance ont déjà suscité les foudres de certains. À l'image notamment d' Elizabeth Denham, commissaire à l'Information du Royaume-Uni, qui, très préoccupée par l'utilisation d'un outil qui remet en cause les droits privés des citoyens, avait déclaré dans un communiqué officiel datant du 15 août 2019: " Je suis profondément préoccupée par l'utilisation proéminente de la reconnaissance faciale dans les espaces publiques, non seulement par les organes de répression, mais également par le secteur privé. [...] La reconnaissance faciale est une priorité pour l'ICO [Information Commissioner's Office] et lorsque cela sera nécessaire, nous n'hésiterons pas à enquêter sur les organes de répression pour protéger les droits légaux des citoyens". Cette déclaration avait suivi l'affaire King Cross à Londres, tandis que les forces de l'ordre londoniennes avaient été interrogées durant l'été 2019, sur le stockage, et l'éventuel partage, des données recueillies dans les vidéos de surveillance auprès d'agents privés. Depuis, une enquête a été diligentée par l'ICO en août 2019.

Si la vidéosurveillance vient égratigner le droit des citoyens à la libre circulation, la reconnaissance faciale vient en prime poser la question de l'anonymat, et du libre consentement.

La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), conviée par le secrétaire d'État au Numérique à agir en partenariat dans les discussions à établir sur le sujet, avait fait part elle aussi de son avis quant à l'utilisation de l'application Alicem. Si la CNIL ne se dit pas opposée à la reconnaissance faciale, elle a cependant alerté le ministère de l'Intérieur sur le non respect du libre consentement : "i[Le consentement n'est susceptible [d'être valide] que dans l'hypothèse où la personne concernée dispose d'un contrôle et d'un choix réel concernant l'application ou le refus des conditions proposées ou encore de la possibilité de les refuser sans subir de préjudice]i". C'est là que la bât blesse, car l'application ne propose aucune autre alternative à la reconnaissance faciale.

Certes, réservée à l'usage des smartphones, les citoyens disposent encore des sites internet, ou de la voie classique par courrier pour s'adresser aux services publics. Néanmoins, l'Action Publique 2022 menée pour veiller à " la transformation numérique des administrations, avec pour objectif, 100 % de services publics avec un accès dématérialisé possible à horizon 2022" (propos recueillis sur le site gouvernemental du ministère de l'Intérieur), interroge : serons-nous un jour confrontés à une entière dématérialisation de ces services ? Et serons-nous un jour forcés d'utiliser la reconnaissance faciale pour valider notre identité, sans aucune autre alternative possible ? Nous n'en sommes pas là. Toutefois, mieux vaut prévenir que guérir.

Au fait du Journal Officiel rendu par la CNIL le 16 mai 2019, le ministère a non seulement maintenu, mais avancé la sortie d'Alicem, initialement prévue pour décembre 2019, sans prévoir aucune modification de l'application. Suite aux réactions suscitées au sein de l'opinion publique, le secrétaire d'État, spécialiste des dossiers Web de l'Élysée depuis 2017, et en place dans sa fonction depuis mars 2019, est intervenu auprès du journal Le Monde. Ainsi, quand on lui demande si le gouvernement réfléchit à des changements législatifs pour élargir l'utilisation de la reconnaissance faciale, Cédric O répond: " Comme souvent, la technologie est en avance sur la régulation. Aujourd'hui, la reconnaissance faciale entre dans nos vies sans que son cadre d'utilisation n'ait encore été clarifié. Elle offre de nouveaux usages, de nouvelles opportunités, mais surtout crée beaucoup de fantasmes du fait de l'absence d'un vrai débat citoyen sur les lignes rouges que nous souhaitons collectivement poser".

Curieuse façon de reconnaitre que le gouvernement prévoit de lancer une application qui, dans son fonctionnement, ne respecte pas le droit au libre consentement - droit, au passage établi par le Règlement général sur la protection des données de l'Union européenne (RGPD), et rappelé dans le Journal Officiel n°0113 du 16/05/2019 - sans que le cadre même de l'utilisation de la reconnaissance faciale ne soit établi.

" C'est d'une certaine manière aux Français de choisir, car les décisions seront lourdes de conséquence " ajoute Cédric O, avant d'expliquer la nécessité d'établir très clairement le cadre et les garanties pour éviter une surveillance généralisée, conscient que c'est un point à prendre en considération, notamment pour les générations futures. Une fois la décision prise, il sera difficile de revenir dessus, précise-t-il enfin.

Aussi, la reconnaissance faciale, convoquant l'utilisation de l'intelligence artificielle et le stockage des données personnelles, mérite d'être traitée avec soin. Si certaines autorités généralisent leur utilisation, à l'image du gouvernement chinois, il convient de rappeler que ce type de technologie représente également un marché fort prisé, qui utilise en permanence les données personnelles. Directement liée avec la mise en place des réseaux 5G, facilitant l'utilisation des objets connectés, et la mise en place de nouveaux concepts tels que le marché de la voiture autonome, l'humain n'a pas fini de devoir traiter cette question, en âme et conscience.

L'avenir se prépare dès aujourd'hui, et s'il n'est pas question d'ignorer les cas où la reconnaissance faciale peut en effet être utile, notamment dans certaines enquêtes criminelles, la question de la surveillance généralisée dans une société de contrôle doit néanmoins être posée : jusqu'où le citoyen doit-il, et peut-il, accepter de se soumettre à un système de prévention et de vérification de données personnelles ? b[


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