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Etude de cas : prise de parole, leadership et storytelling

Publié le 28 novembre 2019 par Dangelsteph
Etude de cas : prise de parole, leadership et storytelling

Un bon leader sait parler efficacement. Et pour parler efficacement, il doit être un storyteller performant. Ce n'est pas une affirmation de ma part : c'est ce que montre par exemple le discours de l'ancienne star mondiale de l'athlétisme Sebastian Coe, qui s'est avéré décisif pour l'attribution des jeux olympiques d'été à la ville de Londres en 2012.

Pourquoi pointer sur cet événement précis et pourquoi si tard (2012, c'était il y a un siècle !) ? Et bien, ce sont les mystères de la recherche universitaire. Cette étude de cas est bien actuelle : elle a été présentée à MFSSR 2019, l'International conference on management, finance and social sciences research, qui s'est tenue à Lyon en août cette année. Et c'est un vrai bon exemple, d'alliance efficace entre la vocation d'un leader, son utilisation du storytelling, dans le cadre d'un discours oral. En plus, pour une fois que ce n'est pas Steve Jobs ou Barack Obama que l'on revisite une énième fois... Sebastian Coe était en l'occurrence le président du comité d'organisation des JO de Londres.

Ce travail est donc l'oeuvre de chercheurs de la Kunming University de Yunnan en Chine.

Pour eux, le storytelling est efficace parce qu'il fournit un cadre très adéquat aux leaders pour leurs prises de parole. Quand on parle de leadership, on ne parle pas seulement de l'aptitude ou non à prendre des décisions, mais on parle aussi de donner du sens, en construisant des images dans la tête des gens. On dit toujours qu'un leader donne une vision, et dans vision il y a "vis-ualiser".Et quand on parle de cadre, on parle d'un cadrage effectif, comme pourrait le faire un photographe. On parle bien d'un focus apporté sur le coeur de ce qui compte vraiment dans l'intervention. Le storytelling est donc ce qui permet à une communication multi-aspects, multi-dimensionnelle, un message complexe de rentrer dans le cadre pour donner à voir une belle image, complète. Ce cadre qu'est le storytelling donne donc du relief au "tableau" qui se trouve à l'intérieur. C'est évidemment très métaphorique que de dire cela, mais c'est bien ce dont il s'agit.

La performance de storytelling de Sebastian Coe :

En fait, il s'agit d'une double performance :

  • un premier speech, en 2005, devant le Comité international olympique
  • un deuxième speech, lors de la cérémonie de clôture des jeux paralympiques en 2012

Les deux sont bien entendu connectés.

Le discours de candidature de 2005 :

Sebastian Coe raconte une quête, la sienne. Une quête est traditionnellement constituée d'un appel, d'un voyage et d'un retour. Il commence à parler de l'appel qu'il a entendu à l'âge de 12 ans, en voyant à la télé des images de deux athlètes originaires de sa ville natale concourir aux jeux de Mexico. L'appel, donc, à se lancer dans une aventure, celle de sa vie. Il s'inscrit dans le club de ses deux idoles quelques jours plus tard. Il ne parle pas beaucoup de ses propres heures de gloire en tant qu'athlète, qui constitue néanmoins son "voyage". Cela lui permet de ne pas mettre de distance entre lui et son auditoire, mais d'en être plus proche, au contraire. Son retour est sa présence devant le comité olympique, au nom de l'esprit du mouvement olympique. En ce sens, Sebastian Coe a présenté la candidature de Londres comme une ambition d'inspirer les jeunes générations.

A la cérémonie de clôture des jeux paralympiques (2012) :

Cette fois, Sebastian Coe ne parle plus de lui. Il raconte l'histoire de deux volontaires qui s'étaient engagés dans l'organisation des jeux. Il a montré en faisant cela comment les jeux de Londres ont effectivement inspiré des jeunes. Il a donc bouclé la boucle de son message et de son storytelling olympique. Coe avait effectivement rencontré lui-même ces deux volontaires pendant l'événement. Il ne s'agissait pas ici d'histoires structurées telles qu'un récit de quête, mais bien plus d'instantanés, de morceaux d'histoires qui sont "dans l'air", prêts à être (ou non) utilisés. C'est une réalité que l'on rencontre beaucoup aujourd'hui dans les organisations. Certains chercheurs appellent cela le storytelling des organisations post-modernes.

Donc, les deux histoires en questions :

    l'une était celle d'un médecin et de la manière dont les jeux avaient changé sa vie (exposé au pire de ce que la vie peut offrir dans son activité de tous les jours, il a pu voir ce qu'elle peut offrir de mieux)
    l'autre histoire était celle d'un volontaire aux jeux paralympiques, qui, grâce à cet engagement, avait réussi à se dépasser, surmonter les limites qu'il s'était posé à lui-même

Il a cité des paroles réelles de ces personnes, parlé des changements personnels survenus via les jeux, connecté les deux histoires à son message central, pour qu'elles apparaissent parfaitement liées. Cela a pu permettre au public de bien comprendre le message et son illustration.

    Il a établi une connexion entre le jury et lui-même : "je suis comme vous" (j'ai été attiré par la magie du sport tout comme vous l'avez été). Cela, pour le discours de 2005, celui de la candidature. En 2012, le public était différent. Il ciblait plutôt les jeunes générations, qu'il souhaitait inspirer. Il utilise pour cela l'image de "héros" de Londres, ces volontaires baptisés à l'époque "game-makers". Le médecin faisant référence au pire qu'il avait côtoyé parlait des attentats à la bombe dans le métro et dans un bus de Londres en 2005 (56 morts, 784 blessés), au cours desquels il était de service.
    Cette mention d'un événement marquant dans la mémoire collective britannique a été un élément de forte connexion émotionnelle avec le public. L'histoire a engagé les émotions de l'auditoire. Tout comme la mention de l'origine de son propre engagement dans le sport a pu généré des émotions chez son auditoire olympique.
    Les exemples concrets fournis sont aussi un point fort : le storytelling a besoin d'illustrations précises, authentiques et synthétiques du message délivré. Avec des détails concrets, ce qu'il a fait.
    Le storytelling de Sebastian Coe est aussi le récit de la construction de sa propre identité : d'un fan de sport à un athlète puis à un "avocat" de la candidature de Londres, c'est tout un parcours qui est retracé. Ce récit de construction d'une identité personnelle permet aussi au public de mieux comprendre le message. C'est aussi une forme de rapprochement du public, avec une dimension empathique : tout le monde poursuit une évolution identitaire dans sa vie. Ce storytelling est donc bien centré sur l'auditoire.

Ce qui a marché dans le storytelling de Sebastian Coe :


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