Magazine Cinéma

Des dollars plein la gueule

Par Tepepa
Piu forte sorelle
1973
Mario Bianchi
Avec Lincoln Tate


Dieu a voulu que je sois seul ce soir là et que je puisse donc me regarder une bonne bouse bien fumante sans témoin ni trompette. Par contre Dieu n’est pour rien dans le fait que je sois en possession de ce « Des dollars plein la gueule » au titre peu prometteur. C’est en effet ce satané Chat qui a cru bon m’envoyer ce chef d’œuvre, sans doute pour parfaire ma culture de la désormais fameuse – en ces lieux – catégorie E. Le Chat avait d’ailleurs auparavant vainement tenté de m’appâter en affirmant sans détour que ce film valait cent fois mieux que le mémorable Les Ravageurs de l’Ouest. Le piège n’avait pas marché alors, car cent fois zéro, ça fait toujours zéro. Simplement le Chat ne s’est pas laissé abattre et m’a carrément envoyé le truc, et ce soir, alors que le lecteur avalait la galette, je savais que j’allais encore maudire Sergio Leone, qui indirectement à cause de son génie allait une fois de plus me conduire à regarder un film irregardable par le commun des mortels, et qui pourtant sort d’une filiation très très très très très très très lointaine avec un chef d’œuvre tel que Le bon la Brute et le Truand. Et oui, aussi diabolique que cela puise paraître, Des dollars plein la gueule fait partie de la catégorie « western spaghetti ».

Le film vaut-il la peine que l’on en recense tous les défauts de façon moqueuse, ironique, distanciée et en mettant les rieurs de son coté ? Non. Le chat a raison, le film vaut 100 fois mieux que Les ravageurs de l’Ouest, c'est-à-dire qu’on arrive à suivre une intrigue pendant au moins trois quarts d’heure (sur Les ravageurs de l’ouest, ça ne tient même pas 10 minutes) avant de lâcher prise devant la consternation ambiante. La réalisation et le soin minimum apporté à l’ensemble justifient in extremis une appellation que l’on peut à la rigueur généreusement encore qualifier de « cinéma » dans son acceptation la plus large possible. Parce que quand même globalement on a beau se pincer pour se sortir d’un mauvais rêve, il n’y a rien à sauver de cet étron fauché, et le seul capital sympathie que l’on peut lui accorder c’est justement d’être fauché.
La musique style beatlerie du pauvre ne présage d’emblée rien de bon, mais on n’en est plus à s’offusquer de ce genre de choses, et si l’introduction du personnage d’Amen est passablement mauvaise, mal jouée, stupide et crétine, elle reste néanmoins regardable pour quiconque a artificiellement baissé son QI à 50 le temps d’une soirée télé (après tout, c’est déjà ce qu’il convient de faire à chaque fois que vous vous plantez devant La méthode Cauet, donc ce n’est pas si dur…). Mais c’est l’apparition du personnage de Catapulte qui commence à titiller irrémédiablement votre affectivité. Catapulte est un méchant très con secondé par une équipe de types encore plus cons et qui s’amuse à balancer les gens dans les airs à l’aide d’une catapulte. Oui vous avez bien lu, et soudain on prend conscience de l’insulte faite aux vrais amoureux de l’ouest et du genre western, ceux pour qui les mots Frontier, Great Divide et Grands Espaces prend un sens noble chargé d’émotion. Que de chemin parcouru depuis John Wayne arrêtant une diligence, winchester à la main, jusqu’à Catapulte, ses épaulettes de pacotille et son rire de mongol en train de bouffer un truc qui ressemble à une omelette pas cuite, les cheveux gras et le regard bovin. On s’en voudrait de redonner des munitions aux ayatollahs du western américain, mais quand on constate à quel point le western spaghetti a pu tomber bas, on en baisserait presque les bras.


Certes, les plus indulgents noteront qu’après tout, le premier pet ne se fait entendre qu’au bout d’une heure de film, qu’il y a quand même à ce moment là une scène qui est un peu drôle (un des hommes debout autour de Catapulte pète, tous se regardent longuement afin de savoir qui a pété, puis le coupable s’en va lentement, honteux, en pétant un coup à chaque pas. Non, je n’ai pas dis que c’était vraiment drôle, mais il y a un petit quelque chose dans cette scène qui fait qu’elle est nettement plus réussie que le reste du métrage), que c’est tout plein de jeunes filles assez jolies et qu’après tout ce n’est pas pire que La méthode Cauet. Mais tout de même, il faut une bonne force de caractère pour subir ces marrades ineptes, ces chevauchées de remplissage, ce doublage inaudible, ces décors affligeants, cette partie de tennis ridicule, ce jeu d’acteur, Lincoln paté de Tate en tête, empiétant bravement les plates-bandes du mauvais goût. Que des gens aient pu se déplacer pour aller voir ça au cinéma il y a 35 ans dépasse l’entendement et remet en cause la notion simple de progrès de l’humanité. Qu’Evidis nous ressorte ça aujourd’hui est certainement contraire aux conventions de Genève sur la torture mentale sur clientèle. C’est pathétique et John Ford, Sam Peckinpah, Sergio Leone et même Demofilo Fidani peuvent se retourner autant qu’ils le veulent dans leurs tombes, aujourd’hui à coté de leurs films au rayon dévédé de Shoppi, on trouve Des dollars plein la gueule et Les Ravageurs de l’Ouest, le degré zéro absolu à -273 degrés Kelvin du western spaghetti. Tant pis pour eux, tant pis pour nous.
Ha, et merci quand même le chat pour le DVD et les captures ! ;)


PS: il y a deux scènes curieuses: Catapulte balance une pomme face caméra qui est rattrapée au vol et hors champ juste avant qu’elle n'atteigne la caméra. Plus tard, Lincoln Tate balance également son poing en pleine caméra. Le film était-il prévu pour être montré en relief ;-)

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