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A propos des émeutes Nutella

Publié le 29 janvier 2018 par Ecosapiens

Du 25 au 27 Janvier, certains magasins Intermarché de France ont proposé une promotion de -70% sur les pots de pâte à tartiner Nutella.

Cela a provoqué des émeutes et les journaux locaux ont même rapporté des interventions de gendarmerie pour calmer certains clients qui en étaient venus à se battre. Il y a plein de sujets fascinants dans ce fait divers. Et il y a aussi eu des commentaires très révélateurs.

Une vidéo signée BFM TV et une autre vidéo vue outre-Manche !

Il y a quoi dans le Nutella ?
1ère anecdote : Cette ruée avait lieu au même moment où le ministère souhaitait annoncer l’encadrement des promotions sur les denrées alimentaires, et très concrètement l’interdiction de promotions supérieurs à 34%.

Pourquoi ? Pour rééquilibrer le rapport de force entre les agriculteurs et la grande distribution.

Pourquoi 34% ? Aucune idée. Un nombre subliminal dans la mesure où 34% des Français sont en surpoids…

2ème anecdote : ces émeutes se déroulaient au même moment que le Forum économique de Davos (Suisse) où se réunissent les « huiles » de la planète. Or, comme le rappelle à juste titre Oxfam, c’est l’occasion de rappeler l’indécence des inégalités de ce monde.
82% des richesses créées en 2017 ont bénéficié aux 1% les plus riches.

Concernant les commentaires sur cet évènement, je dois avouer que mon tropisme écologique m’a fait bondir, comme nombre de mes amis, sur le fait qu’il y avait encore des gens qui cautionnaient ce truc bourré d’huile de palme et donc responsable de la déforestation et du déclin de nos amis ourangs-outangs. Si vous n’êtes pas au courant (ce dont je doute si vos êtes sur ce blog…) allez donc voir Green, film bouleversant.

Green film sur l'huile de palme
C’est ce genre de phénomène consumériste qui vous désespère d’avoir monté un site sur l’eco-consommmation pour convaincre et faciliter la transition vers une conso plus douce et plus sensée…

Et puis j’ai découvert le commentaire d’une figure politique majeure à savoir Jean-Luc Mélenchon. C’est un homme politique que je respecte, d’abord pour son talent oratoire, mais surtout pour son évolution sur la
question de l’écologie, l’articulation qu’il en fait avec la thématique sociale.

Il a écrit ceci :

Une superbe phrase d’une amie sur Facebook : «Quand l’émeute montre la misère, l’imbécile regarde le Nutella». Reprenez-vous mes amis ! Ces femmes et hommes avaient enfin les moyens d’offrir à leurs gosses une gourmandise qu’ils jugent désirable parce qu’ils en entendent parler sans y goûter jamais. Reprenez-vous ! Vous ne pouvez pas reprocher aux pauvres les idées dominantes ni les standards de consommation de la société de consommation. Ici, ils font dans le bruit et la cavalcade ce que vous faites paisiblement et en silence, parce que vous en avez les moyens. Et si vous ne le faites pas, comme moi, c’est parce que vous savez de quoi il s’agit. Mais pas eux. LES PAUVRES NE SONT PAS RESPONSABLES DE LEUR PAUVRETÉ QUEL QU’EN SOIT LE DOMAINE.

Expliquer est ici excuser. Or, si j’admets tout à fait ce genre d’explication « misérabiliste » je trouve paradoxal d’affirmer en lettres capitales que les pauvres ne sont pas responsables de leur pauvreté quel qu’en soit le domaine.

Déjà, c’est un interminable débat que de savoir si les gens sont ce qu’ils sont par la force de leur individualité… ou par la force du système. Mais cette formule finale un peu trop manichéenne, on a envie de lui adjoindre son symétrique. A savoir que les riches aussi ne seraient pas responsables de leur richesse… Et donc de les excuser…

Le jeu de la patate chaudeJ’aime bien rappeler que dans la société de consommation, c’est le jeu de la patate chaude entre le consommateur, le producteur et le législateur. Car dans cette histoire, on peut se payer la tête des con-sot-mateurs mais on oublie de pointer du doigt Ferrero qui continue à refourguer un produit dangereux pour la planète et pour la santé. Et que dire du législateur qui aura en 2016 finalement renoncé à la fameuse taxe Nutella.

Bref, je n’ai aucune envie de dédouaner ces clients frénétiques qui en viennent à se battre pour emporter le plus possible de pots. On peut expliquer cela sous l’angle « pouvoir d’achat » mais pourquoi ne pas taper sur la médiocrité des autres acteurs (Ferrero, Intermarché, les différentes ministres Ecologie et Consommation).

Cependant… est-ce vraiment la bonne explication ?

Nous voilà dans de Baudrillard !

J’en reviens à mes premières amours qui, je crois, ont décidé de ma vocation à créer eco-SAPIENS… Je veux parler du livre majeur du penseur Jean Baudrillard, La Société de Consommation. La thèse centrale peut se résumer ainsi : on consomme uniquement pour des raisons de signifiant social. Cela semble de prime abord exagéré car on peut toujours penser qu’une machine à laver est un achat qui relève plus de la praticité que du prestige en société…

Néanmoins j’ai toujours défendu cette thèse car elle dit clairement que notre consommation est une manière de faire société. Quand M. Mélenchon parle d’une friandise qu’ils jugent désirable parce qu’ils en entendent parler sans y goûter jamais, on est en plein dans le sujet de l’émulation sociale. Le Nutella c’est censé être la « vraie » pâte à tartiner que l’on remplace parfois par son équivalent « premier prix » ou à l’opposé par du Jean Hervé ou Chocolinette (quand on met un point d’honneur à ne pas s’abaisser à Nutella).

Emeute NutellaPersonnellement, je ne crois pas à l’argument « ces gens sont en général trop pauvres pour s’acheter du Nutella ». Ils considèrent simplement cela moins « indispensable » qu’un autre thème consommatoire (des chaussures, un écran plat, un voyage…).

Et la clé de compréhension est plutôt dans le désir de ne pas se faire gruger par les autres. On peut tout à fait imaginer la colère venir face à un sentiment injuste quand on constate que d’autres raflent tous les pots et nous privent d’une bonne affaire pour laquelle on se sent légitime. Pourquoi eux et pas moi ? Et donc l’escalade de la violence, prendre le plus de pots moi-même parce que j’y a droit et que si je ne le fais pas, d’autres vont le faire pour moi.

Bref, c’est un phénomène social assez classique qu’il faudrait attribuer moins à la misère du porte-monnaie qu’à une envie d’égalité et d’équité.

Voilà une conclusion assez paradoxale qui j’espère aura le mérite de rassurer le principal intéressé !


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