Je ne sais plus si je vous en ai déjà parlé mais j’ai construit le gros de ma culture musicale avec des cassettes audio.
Celles d’albums acquis avant le premier lecteur cd bien sûr, mais je pense surtout à ces cassettes vierges chrome, 90 minutes, achetées par pack de trois ou quatre au Leclerc de la Conraie – maintenant rebaptisé Grand Val – sis au n°1 de la rue de la Conraie, 44700 Orvault. Majoritairement elles étaient destinées à accueillir quelques uns des nombreux disques piochés dans mes fréquentes tournées des différents établissements du vaste réseau des médiathèques nantaises.
Rien de simple. Les deux faces pouvaient contenir chacune un album ou alors un album et demi sur deux faces plus des morceaux piochés ailleurs pour servir de remplissage ou encore une sélection de titres de deux albums (dernier recours, très rarement utilisé et toujours à contrecœur). Il s’agissait donc de déceler des affinités entre les disques qui allaient se trouver liés ensemble sur le même objet.
Ensuite, je fouillais dans les piles de magazines périmés afin de dénicher l’image qui illustrerait le mieux ces épousailles d’albums, là encore en imaginant les affinités reliant l’image à la musique.
Quelques cassettes étaient destinées à un autre usage. Usage auquel je fus initié à l’occasion d’un travail d’été consistant à castrer le mais – oui oui, j’y reviendrai sans doute – par quelques jeunes anglais amateurs d’indie pop et de bières pas chère à boire en d’astronomiques quantités.
Un usage plus exigeant mais aussi pourvoyeur de joies à nulle autre pareilles.
La compilation.
Pas le simple amoncellement de tubes parmi les préférés du moment, ni même la mise bout à bout des meilleurs morceaux enregistrés lors d’une émission quotidienne de 21h à 22h30. Je vous parle de la compilation destinée à une personne précise cherchant donc à la fois à respecter ses goûts mais aussi à la bousculer un peu dans l’espoir de l’ouvrir à des horizons dont pour l’instant elle se prive. Il est bon d’y glisser aussi quelques clins d’œil à l’histoire commune surtout si on compte faire de la cassette une arme de séduction.
J’ai adoré faire des compilations. Je m’amusais à intercaler des extraits de films, de passages radio ou d’instants capturés – j’avais même fait l’acquisition d’un dictaphone précisément pour cela – à les décorer de collages, à leur donner des titres mystérieux ou lourds de jeux de mots façon Libération.
(Ce que je continue à faire pour mes listes de lecture iTunes.)
J’ai adoré recevoir des compilations, m’attendrir aux clins d’œil qu’elles pouvaient contenir, m’y faire à l’occasion bousculer un peu avant de m’ouvrir à des horizons dont alors je me privais.
Les albums dupliqués, les morceaux compilés se sont accumulés au point de remplir un mur d’appartement parisien au début des années 2000. Avec les CD’s qui commençaient eux aussi à réclamer une grosse portion d’espace j’ai pris, à la faveur d’un déménagement, une décision radicale. J’ai descendu dans la rue l’ensemble des cassettes alors qu’un camion poubelle passait, ai tendu les cartons aux employés et suis parti sans me retourner avant d’entendre le bruit du plastique et des bandes magnétiques passés à la broyeuse.
Mort d’une époque.
Du massacre n’a subsisté qu’une petite poignée de cassettes, faite d’albums orignaux que je n’ai pas retrouvés sous d’autres formats, de démos de groupes d’amis, et les compilations qui me furent les plus chères.
Je pourrais vous en faire la liste mais le temps presse et votre patience s’use.