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La marque à l’âge électronique

Publié le 18 juillet 2008 par Christophe Benavent
Pour vivre la marque s’est longtemps appuyée sur les méthodes de la propagande : des slogans infiniment répétés, des icônes obsessives, cette massivité de la présence qui conduit ceux qui y sont exposés, à juger au fond qu’elles ne doivent pas être si mauvaises, si elles sont sont si présentes. C’est la logique du « mere exposure effect » étudié par Zajonc (1) et que d’autres chercheurs ont analysé dans l’environnement du web , en en distinguant deux explications différentes, l’une cognitive et l’autre plus affective (2). S’il fallait traduire ce terme, l’expression « effet simple » serait suffisante.
Ainsi aimons nous le Che, ainsi Bin Ladden conserve une belle estime dans le monde, ainsi McDonald ou Coca-cola retiennent l’attention et participent à la vie des signes, même si ces signes se sont vidés de leur substance, ou n’en ont jamais eu. Il y a une idée de la publicité qui ne réside pas dans le génie sémiologique, mais dans la puissance logistique, elle marque le pouvoir du médiaplanneur contre celui du créatif. Ce dernier le reprend quand sa cuisine a la vertu d’être reprise, imitée, reproduite, et par cette répétition contrecarre la puissance des achats d’espaces. C’est l’espoir des buzzeurs en tout genre, mais un espoir fragile (Gardons a l'esprit que le Buzz participe aux logiques de la rumeur).
Mais notre propos ne se porte pas sur cette question de politique de diffusion, mais sur le fait même de sa possibilité. A l’âge électronique, les symboles de la marque sont fragiles, le nom, l’icône, l’image, se prêtent à une transformation qui n’est pas maîtrisée par ses émetteurs, d'autant moins qu'elle est globale. Et l’on peut se demandé raisonnablement en quel lieu le « mere effect » se constitue. Dans l’idée de la marque ou dans ses attributs ? Cet effet de familiarité se construit-il sur le signe ou l’idée ?
S’il se fonde sur le signe, les marques doivent être inquiètes car le propre de l’âge électronique, est que chacun est capable de transformer le signe et de le rediffuser (même si la psychosociologie nous enseigne que les signes transportés et transformés de bouche à oreille, sont le sujet de magnification et de simplification qui aboutissent à des formes stables). Le signe émis peut être transformé si radicalement que la forme sous laquelle il se diffuse et se stabilise n’ait plus rien à voir avec ce que l’émetteur souhaitait. Cela n’empêchera pas une attitude favorable à ce signe, mais il est de forte chance, que se soit une attitude profondément différente de celle qui a été espérée. Les posters de Guevarra dans les chambres d’adolescents véhiculent moins d’espoir d’une lutte des classes qu’un esprit de révolte et la sympathie recueillie œuvre plus pour l’industrie du Rock que pour la révolution ! D & G font figure aujourd’hui moins d’un Luxe décalé que de l’esthétique populaire, de la parodie et du simulacre. La marque échappe ainsi aisément à ses promoteurs pour devenir une icône falsifiable.
S’il se fonde sur l’idée, les marques peuvent être rassurées, peu importantes sont les variantes sémiotiques pourvu que se maintienne le sens qui leur est attribuée. Mieux elles pourront jouer de la variété de ces transformations, et vivre au travers de multiples symboles. Coca-cola, Coke, Classic coke, sont autant de signes distincts qui se superposent, coexistent sans que l’identité de la marque n’en souffre, la multiplication des formes, n’altère pas l’idée de la marque. A moins qu'elles ne devienne un stéréotype.
A l’âge digital, cette hypothèse redevient essentielle : les marques sont-elle des signes ou sont-elles des idées ? Participent-elle au monde de l’imaginaire ou à l’ordre symbolique?
(1)Zajonc, R. B. (1968) Attitudinal Effects of Mere Exposure. Journal of Personality and Social Psychology, 9, 2, 1-27.)
(2)Fang, X., Singh, S., and AhluWalia, R. (2007). An Examination of Different Explanations for the Mere Exposure Effect. Journal of Consumer Research, 34, 97-103

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