Magazine Focus Emploi

Etude : comment fonctionne le storytelling

Publié le 30 janvier 2020 par Dangelsteph
Etude : comment fonctionne le storytelling

Si le storytelling fonctionne, ce n'est pas par magie ou par de prétendus pouvoirs hypnotiques : des études montrent comment tout cela s'organise, notamment au niveau de notre cerveau.

Je suis retombé sur une étude de l'université de Memphis aux Etats-Unis (Département de Psychologie) datant de 2002. Bon, 2002, c'est un peu loin, mais l'étude est l'oeuvre de chercheurs (Brent Olde, Bianca Klettke) rassemblés autour de la figure emblématique qu'est Arthur C. Graesser. Graesser est l'auteur (là encore avec d'autres chercheurs) de la fameuse étude de 1994 qui a révélé que le storytelling offre un bonus de mémorisation de 50% des messages. Graesser a aussi montré que des histoires sont lues deux fois plus vite que des textes traditionnels, faits d'arguments factuels.

Quelques acquis d'études précédentes menées sur le storytelling :

    Dans une histoire, ce n'est pas le texte littéral qui compte. Ce qui est explicite ne véhicule pas tout le message. Il faut voir plus loin. Une histoire fait référence à une culture commune partagée par l'auditoire, qui n'a pas besoin d'être dite puisqu'elle est connue et vécue par tous.
    Les mécanismes de compréhension des histoires ne sont pas différents selon la culture d'origine de l'auditoire. Que les histoires soient simples ou complexes, s'opèrent suivant différentes modalités, et quels que soient les médias, il n'y a pas de différences notables.
    Il n'y a pas non plus de véritable différence de processus de compréhension entre une histoire simple et une histoire complexe et le type d'histoires, des contes de fées aux oeuvres littéraires, des histoires orales, écrites, vidéo...

Storytelling fictif vs. vérité

Graesser & al. utilisent une histoire business locale, visiblement bien connue à Memphis, pour expliquer à quoi correspond vraiment le fonctionnement du storytelling.

Une jeune start-up de Memphis se développait vraiment bien et rapidement. Tout cela, grâce à une idée de départ particulièrement brillante née dans l'esprit de son fondateur et président. Cependant, ce président ingénieux se retrouva un jour à cours de trésorerie pour honorer les payes du mois. Evidemment, c'était un vrai souci pour lui. Il décida donc de prendre le premier avion pour Las Vegas. Et il décida de miser 40 000 $ au casino d'un coup, dans une partie de blackjack. Et... il gagna ! Ce patron chanceux s'empressa de rentrer à Memphis, pour payer ses employés comme il se doit. Aujourd'hui, son entreprise est multi-milliardaire.

Au passage, déconstruite, cette histoire donne ceci :

Oui, je sais, c'est une histoire très américaine, à, peine croyable, mais là n'est pas le plus important. Et le plus important n'est pas non plus que l'utilisation du passé simple dans le récit de ce storytelling n'est pas ce qu'il y a de plus recommandé pour une histoire d'aujourd'hui. On verrait plutôt cela dans des contes : mais justement, cet exemple ressemble beaucoup à un conte de fées. Bref... Pour la petite histoire, cette histoire est celle de l'entreprise mondialement connue Federal Express et de son créateur Fred Smith. Décryptons plutôt cette histoire.

Tout d'abord, Fred Smith a bien créé Federal Express, mais l'histoire du casino est... une fiction. Horreur, putréfaction ? Non. Le caractère vrai ou faux n'a pas d'importance au regard du sens de l'histoire pour les gens de Memphis. Fred Smith est un héros de la ville, et cette anecdote illustre juste le tempérament du personnage, prêt à prendre des risques. C'est donc plutôt une métaphore du personnage. Non, je ne suis pas en train de faire une pirouette en disant cela. Graesser lui-même dit qu'il a cru à la véracité de ce récit avant d'apprendre qu'il était faux, sans que cela change quelque chose au sens qu'il lui donne. Cette histoire s'insère tout simplement dans l'Histoire et la culture bien réelle de la ville.

Le conflit : problème de paiement des salaires

Le but : arriver à payer les salaires

L'action : le coup de blackjack

Le résultat : le gain au blackjack

La conséquence : une entreprise qui atteint les sommets

Un autre exemple de vérité et fiction entremêlés, avec le film 1917 :

Différents niveaux de compréhension cognitive se combinent entre eux

    L'encodage de surface : c'est la forme du discours, les mots, les intonations utilisés. C'est une transmission du son au cerveau, donc, normalement plutôt fidèle, avec peu de dérive possible par rapport au message initial. Mais son alignement avec les autres niveaux de compréhension est essentiel pour la perception globale du message. Un petit changement dans la formulation de l'histoire par une personne peut très naturellement avoir de graves répercussions sur les autres canaux.
    Le micro-monde mental de l'histoire : du moins le micro-monde de la thématique de l'histoire. Ce micro-monde est situé dans l'espace. Il intègre aussi l'enchaînement des événements de l'intrigue de l'histoire : la chronologie de l'histoire, en fait. Dans la plupart des intrigues, des personnages mènent des actions pour atteindre un but. Des événements interviennent et sont des obstacles. Des conflits éclatent entre les personnages. Des modes de résolution des conflits s'activent, avec des résultats à la fin. Ce schéma est familier, comme on l'a déjà vu, et c'est finalement assez naturellement et universellement que ce niveau de compréhension s'opère.
    Le focus thématique : c'est le message clé, ou la morale, de l'histoire. Et sa clarté est bien entendu fortement dépendante des deux niveaux précédents.
    La perspective des agents : on parle ici des agents dans l'histoire, c'est à dire des personnages actifs. Parmi eux, on trouve le narrateur, les personnages de l'histoire et évidemment aussi le public. Une osmose plus ou moins grande, mais bien réelle, devra naître entre ces différents agents pour que l'histoire atteigne son but.
    Le genre de l'histoire : on ne parle pas ici de comédie, tragédie etc. Le genre concerne la fonction, ou les objectifs de l'histoire : persuasion, information... la bonne perception du genre, combinée aux autres niveaux de compréhension est une clé complémentaire pour le succès de l'histoire.

Aucune autre forme de discours que le storytelling ne déploie autant de niveaux de compréhension de la part du public. Comme les planètes et les étoiles dans le ciel, quand tous ces niveaux sont alignés, c'est à dire en symbiose, une communication d'une très grande puissance est possible. Parce que le public aura formé dans son esprit et son corps différents mécanismes en interaction pour aboutir à une compréhension élevée du message.

Quels sont ces niveaux de communication et de compréhension actifs dans le storytelling ?

Cette étude n'apporte pas de chiffres spectaculaires (Graesser en avait déjà fourni avec ses autres travaux de recherche), mais vient apporter un éclairage sur le fonctionnement en profondeur, le mécanisme, les rouages du storytelling. Je suis conscient que pour certains, cela va un peu trop loin. Il est vrai qu'on n'a pas besoin de réfléchir autant quand on fait du storytelling. Par contre, quand on a besoin de justifier, dans son entreprise, un changement radical de méthode travail (je parle du passage au storytelling !), pouvoir justifier cette "révolution" avec des arguments scientifiques, cela peut être utile !

Tout comme offrir un livre sur le storytelling aux sceptiques à convaincre !

Ou encore cet autre livre :


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Dangelsteph 367 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte