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Pourquoi je n'aime pas Christos Tsiolkas

Par Angggel

Est-ce que ça vous est déjà arrivé à vous de n’entendre que des compliments sur un auteur sans réussir à accrocher à son style ni même à apprécier ses romans ? À vous demander ce qui ne tournait pas rond chez vous ? Et bien, moi, j’ai ce sentiment avec Christos Tsiolkas…

Petit retour en arrière.

Christos Tsiolkas s’est fait connaitre en France grâce à son livre La gifle, publié en 2011. Ce roman racontait comment une gifle donnée à un enfant pendant un barbecue entre voisins ébranle la vie de cette communauté grecque de Melbourne.

[Hector] vit son cousin lever le bras, fendre l’air, et la paume ouverte s’abattre sur le garçon. Il y eut comme un écho. La gifle déchirait le crépuscule. Choqué, le gosse regardait Harry. Alors un long silence. Comme si Hugo n’arrivait pas à comprendre ce qui venait d’arriver, à établir une relation de cause à effet entre le coup et la douleur qui commençait à sourdre. Le silence se brisa, le môme était décomposé, et cette fois, il ne gueulait plus : les larmes coulaient sans bruit sur ses joues.

– Espèce de bête sauvage !

Gary fonça sur Harry et faillit le renverser. Un cri retentit, Rosie les dépassa et prit son enfant dans ses bras. Les deux époux lâchaient des torrents d’insultes sur Harry qui, lui-même en état de choc, reculait vers le mur du garage. 

Il a rencontré un immense succès dans le monde entier, vendu à plus d’un million d’exemplaires et publié dans 28 pays. Ce roman a également été adapté en série télé (disponible en DVD) par un réalisateur et des acteurs australiens. Une adaptation de l’adaptation (non mais on marche sur la tête !) a également été tournée aux États-Unis (les Américains m’effarent tant ils manquent de curiosité…), bref ce livre a fait son petit bonhomme de chemin. C’est d’ailleurs un des premiers livres que j’ai lus quand je suis arrivée en Australie. Il m’avait été conseillé quand j’avais demandé à un libraire de me proposer un roman typiquement australien. Je ne m’en souvenais plus, mais en relisant le post (concis) que j’avais publié à l’époque, je vois que je ne l’avais même pas fini… La crudité de son écriture me repousse carrément.

Sous la douche, Rich se massa les dents avec du dentifrice. Il avait failli utiliser la brosse de son père, mais c’était vraiment trop. Il se sécha, tenta en vain de coiffer la boule idiote que formaient ses cheveux, étudia son slip sur le carrelage. En séchant, le sperme avait dessiné un zigzag. Richie avait apporté le sous-vêtement dans la salle de bains avec l’intention de le laver. Quelle idée stupide, il n’allait pas prendre le train avec un slip mouillé. Rich regarda le siège des toilettes, jeta le slip dans la cuvette, le poussa tout au fond de la balayette tachetée de merde. Puis il tira la chasse. L’eau tourbillonna, prête à s »évacuer mais, au lieu de disparaître, reflua dans la cuvette. Terrifié, il se rendit compte qu’il venait de boucher les chiottes. Il haussa les épaules. Son père s’en occuperait.

Je n’ai rien contre les romans bruts, violents et intenses (un de mes romans préférés de l’année dernière était d’ailleurs My absolute Darling de Gabriel Tallent), mais je trouve qu’il y a chez Tsiolkas une vulgarité que je n’arrive pas à digérer. Je pense qu’à l’époque, ma lecture de ce roman a été un peu superficielle. Les romans ont pour mission de nous aider à mieux comprendre le monde dans lequel on vit. Dire que l’on n’aime pas un roman parce que l’on trouve sa langue vulgaire ou offensante, c’est passer à côté du véritable sujet du livre. Dans son roman, Tsiolkas parle de la mesquinerie, de la cruauté et de l’égocentrisme des hommes. Il veut nous montrer qu’au fond nous sommes tous des monstres.

Richie avait conscience que tout le monde le regardait : le vieil homme derrière lui ; les passants de Queens Parade, alertés par les cris d’Hugo ; les gens dans les voitures. Mais peu importe. S’il devait s’arrêter, il craignait de filer au petit monstre une dérouillée d’enfer, au risque de l’assommer. Alors il pouvait bien gueuler, Richie ne l’entendait plus. Ils longèrent la piscine, traversèrent North Terrace et atteignirent le parc. Trébuchant, gémissant, Hugo s’efforçait de ne pas tomber. A l’ombre des arbres, Richie le libéra et, le regardant enfin, toujours fou de colère, failli lui balancer : « Je vais t’arranger le portrait moi, sale petit connard ! »

Il utilise un langage cru pour exposer l’hypocrisie de la nature humaine, sans céder à la censure. Avec des séries comme Game of Thrones ou House of Cards, on pose un regard extérieur sur la méchanceté, la violence et le double jeu des personnages, on ne s’en offusque pas plus que ça. Je trouve que la littérature possède un pouvoir bien supérieur à celui des films ou des séries télé, elle réussit à créer un monde imaginaire qui répond à ce que chacun d’entre nous a vécu. Au fond, nous projetons nos fantasmes et nos tabous dans les livres que nous lisons. Personne n’aura jamais la même représentation d’un personnage ou d’un lieu, chacun projettera ses propres ressentis sur les situations que vivent les protagonistes. Je ne suis sans doute pas la seule à avoir été déçue après avoir vu un film tiré d’un livre que j’avais lu, non ?

Peut-être que les livres de Tsiolkas touchent une corde sensible chez moi, qui sait ! Cela étant dit, je ne peux pas me forcer à apprécier son style. C’est dommage parce que la plupart de ses livres sont régulièrement nommés et récompensés par des prix littéraires et reçoivent toujours de très bonnes critiques.

Et vous, quels contenus et quel style vous dérangent quand vous lisez des livres ? Y a-t-il un(e) auteur(e) encensé(e) par la critique dont vous ne comprenez pas le succès ?

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