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Akinwumi Isola – Sans le vouloir

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Dans ma prime enfance, je croyais que le Monde allait droit :
Je marchais librement,
Je parlais sans gêne,
Je levais les jambes,
Je donnais des coups à tout va
Je finissais de manger,
Je dormais le ventre plein
Je n’avais que des amis,
Je n’avais pas d’ennemis.
Le Monde entier paraissait si paternel.
Peu de temps après
Ils ont dit que je mûrissais.
Si je riais beaucoup,
Je recevais un coup sur le crâne.
Si je parlais de ce que je voyais,
Ils me giflaient sur la bouche.
La colombe est dans la forêt,
Elle étend les ailes
Mais une fois apprivoisée,
Elle boit de l’eau dans une boîte de conserve.
Les affaires de ce Monde, quel mystère !
Le coq saute sur le toit,
Il chante fort.
Quand il descend, nous lui ôtons les plumes des ailes, entièrement.
Alors il devient un oiseau qui chante sous l’arbre.
Le monde n’aime pas tant le coq que la volaille.
Un ancien avait le nez sale,
Je l’ai fait remarquer ; j’ai été fouetté.
Un petit enfant a uriné dans la marmite de soupe.
Je l’ai dit, j’ai été puni.
Je dis : « On devrait dire les choses comme on les voit. »
Le Monde dit : « même si les yeux voient, la bouche doit se taire ».
Ne voyez-vous pas que le monde tel qu’il se montre ?
Sans le vouloir,
Le Monde peut détruire la sagesse au cœur de chacun
Sans le vouloir.

***

Akinwunmi Isola (1939 -2018)Trois poèmes (Po&sie 2015/3-4 N° 153-154) – Traduits du yoruba en anglais par Akinloye Ojo dans Imagine Africa 2014. Version anglaise traduite par Claude Mouchard (avec la contribution de Dom Itille).


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