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La bataille informationnelle que se livrent les acteurs du diamant synthétique et du diamant naturel

Publié le 10 février 2020 par Infoguerre

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Le diamant de culture ou diamant de synthèse bouleverse le marché du diamant car il bouscule l’image et la philosophie du diamant traditionnel ou minier. Le diamant de synthèse ne sont pas issus des entrailles de la Terre mais sont conçus au sein de laboratoires grâce à des techniques complexes. Ces derniers ont cependant les mêmes propriétés physiques, chimiques et optiques que la pierre naturelle. A tel point que seules des machines peuvent les repérer. Le diamant de synthèse et le diamant naturel sont deux diamants authentiques aux structures physiques identiques. Si le diamant naturel requiert des milliards d’années pour se former, le diamant de synthèse est fabriqué en un peu moins de trois semaines. Dès lors la rareté de l’un s’oppose à la production sans limite de l’autre. Et les coûts de production de l’un sont beaucoup moins élevé que les coûts d’extraction de l’autre.

Le diamant de synthèse, une demande en forte croissance

En France, La vente de bijoux en diamants de synthèse est pour la première fois devenue significative,  s’élevant à 6% en volume fin 2018,  et le phénomène est encore plus marqué aux États-Unis. En outre, le poids de vente moyen pour le diamant synthétique est supérieur à celui de la pierre naturelle. Car les bijoux en diamants de synthèse se vendent 30% à 50% moins chers. Il est à noter que plus la pierre est grosse, plus l’écart de prix est important. Alors que 100 millions de carats sont produits chaque année pour le secteur de la joaillerie, plus de 10 milliards le sont pour l’industrie (électricité, chirurgie, laser, etc.). Selon le rapport du cabinet d’études Bain, « les perspectives à long terme du marché du diamant restent positives ». Ses rédacteurs prévoient « une augmentation de la demande en diamants bruts de 1 % à 4 % par an », qui s’appuie sur le marché américain et «la croissance continue de la classe moyenne en Chine et en Inde». Le cabinet précise aussi que « l’offre de diamant brut devrait rester stable jusqu’en 2030 ».

Les forces en présence : les producteurs de diamants naturels et de diamants de synthèse

Durant la grande majorité du XXe siècle, la société De Beers, le principal producteur et possesseur de gisements de diamants brut a monopolisé le marché de la fourniture de diamants bruts à tous les diamantaires et à tous les ateliers de taille du diamant dans le monde. La société De Beers a ainsi eu la maîtrise du marché et a pu librement fixer le prix du diamant brut en le maintenant à niveau élevé. En outre, De Beers a beaucoup investi dans le renseignement, notamment en procédant au recensement des comportements des diamantaires et à des enquêtes sur la provenance des diamants et a également mis en place un système de sécurisation des mines et des transports de diamants. La société De Beers a été pour la première fois contournée sur le marché du diamant, en 1953, lorsqu’une firme suédoise est parvenue la première fois à fabriquer des diamants de synthèse. Cependant, c’est General Electric aux États-Unis qui a créé la filière industrielle de production. Ce contournement est longtemps resté cantonné à l’industrie.

Le deuxième coup porté au monopole de De Beers est asséné par l’URSS qui a un urgent besoin de diamants. Dès lors Staline place la recherche géologique du diamant et sa synthèse industrielle comme une priorité nationale. Les grandes découvertes russes datent de 1955 en Iakoutie (Sakha). Malgré le pragmatisme de l’Etat soviétique qui passe également un accord avec De Beers pour l’écoulement de ses diamants, le monopole d’État Alrossa subsiste et Alrossa est aujourd’hui le premier producteur mondial de diamant avec 26% de part de marché. Le véritable changement sur le marché du diamant viendra d’Australie où un fabuleux gisement est découvert dans le nord-ouest du pays, à Argyle en 1979 et mis en exploitation en 1983. La société propriétaire du filon rompt avec De Beers et décide de vendre elle-même sa production, notamment en Inde qui était jusqu’alors un marché important de la De Beers. Il existe une quinzaine de sociétés aux Etats-Unis, en Russie, en Europe, et en Asie capables de reproduire des diamants. Et la première véritable utilisation des diamants de synthèse en joaillerie (de qualité gemme) débute à la fin des années 1990.

Luttes d’influence pour sensibiliser le consommateur final

Les amateurs de pierres précieuses ne sont plus les mêmes que ceux d’autrefois. En effet, les consommateurs ont désormais de nouveaux besoins de transparence, d’éthique et d’écologie. Ces nouveaux besoins obligent les producteurs de gemmes naturels et de synthèses à trouver de nouveaux leviers communicationnels et à s’affronter. L’un des arguments des acteurs du diamant naturel pour contrer l’arrivée du diamant synthétique repose sur l’aspect émotionnel, la magie et la valeur sentimentale des pierres les plus précieuses. Or, il s’avère que le diamant de synthèse n’est pas une imitation, au regard de ses propriétés physique, il s’agit d’un vrai diamant. Les acteurs des diamants naturels orchestrent une campagne de dénigrement des diamants de synthèse en arguant du fait que les diamants synthèse du fait de leur croissance artificielle rapide engendre des défauts à l’intérieur des pierres. Ils insistent également sur la rareté du diamant naturel qui leur confère une valeur financière plus importante que celle du diamant de synthèse. Cette valeur a, évidemment vocation à s’accroître et à perdurer avec le temps. À l’inverse, les diamants de laboratoires ne coûtent que quelques centaines de dollars par carat à fabriquer et ont une valeur financière qui ne peut que diminuer – comme c’est le cas de tout produit industriel pouvant être créé en quantités illimitées. Le prix du diamant naturel devrait ainsi continuer à augmenter dans les prochaines années, alors que le prix du diamant de laboratoire baissera forcément avec les économies d’échelle liées à l’accroissement de sa production.

Pour accélérer ce processus, De Beers, a l’année dernière, lancé sa propre marque de diamants synthétiques baptisée LightBox. L’entreprise s’est mise à commercialiser un diamant de synthèse d’un carat à 800 dollars, soit environ 6 fois moins cher qu’un diamant naturel et surtout 4 fois moins que les autres diamants de synthèse.  Pour De Beers, il s’agit surtout de « positionner le diamant synthétique où il doit l’être » explique De Beers au magazine Challenges, c’est à dire dans l’univers de la bijouterie fantaisie et bien séparé de celui du « véritable » diamant, symbole de luxe et de rareté.

La question des retombées sociales et de l’impact environnemental au cœur des débats

Les jeunes générations de consommateurs sensibles aux questions éthiques (« les Millenials ») font l’objet d’une campagne de communication spécifique des acteurs du diamant naturel pour améliorer leur déficit d’image. En effet, le discrédit sur le secteur s’est très fortement accru avec le succès du film « Blood diamond » qui évoquait le financement de conflits via l’extraction de diamants dans certains pays et l’impact environnemental de mines géantes qui défigurent et saccagent les forêts. La Diamond Producers Association (DPA), organisme qui représente 75 % de la production mondiale et défend le diamant à travers le monde, La DPA (Diamond Producers Association) a confié une étude à la société Trucost, leader mondial en matière d’évaluation des données et des risques liés au carbone et à l’environnement. Evidement les résultats de cette étude sont dithyrambiques pour les producteurs de diamants… Ainsi le rapport, rédigé par Trucost et intitulé « Impact environnemental et socio-économique de l’extraction de diamants à grande échelle », constitue la toute première analyse complète des contributions des membres de la DPA. Il aborde notamment les avantages et conséquences socio-économiques et environnementaux dans le secteur.

Les données provenant de Trucost ESG Analysis révèlent que les membres de la DPA apportent plus de 16 milliards de dollars en avantages socio-économiques et environnementaux, via leurs opérations d’extraction de diamants. Le rapport montre que la grande majorité de ces avantages sont réinjectés dans des communautés, passant par l’emploi local, l’achat de marchandises et de services, les impôts et redevances, les programmes sociaux et l’investissement dans des infrastructures. Le rapport révèle également que les membres de la DPA paient leurs employés et sous-traitants en moyenne 66 % au-dessus des salaires nationaux moyens et que les sociétés consacrent des ressources importantes à la formation des employés, afin de disposer d’une main-d’œuvre très qualifiée.

La balance éthique penche fortement du côté du diamant naturel : enrichissement des populations locales, salaires et retombées économiques dans les communautés, accès à l’éducation, à l’eau, à la santé, bilan carbone. Les acteurs du diamant de synthèse n’ont pas eu besoin d’une étude pour vanter l’éthique de leur produit puisque celui-ci fait l’objet d’un contrôle et d’une traçabilité rigoureuse initiée par les Nations Unies.

La polémique sur l’émission carbone

L’information la plus surprenante vient de l’impact environnemental des producteurs de diamants. Selon les estimations du cabinet, les émissions de gaz à effet de serre pour la production de diamants naturels seraient trois fois moins importantes que la fabrication des pierres de synthèse. Pour un carat taillé, un diamant naturel émettrait 160 kilogrammes de CO2 contre 511 pour un diamant de synthèse. Une estimation qui vient mettre à mal l’argument écologique des producteurs de diamant synthétique. Surfant sur la conscience écologique des Millennials, les diamants nés en laboratoire sont souvent présentés comme des produits « verts », sans coût écologique. Or, la haute technologie utilisée pour les mettre au point requiert, il est vrai, une quantité d’énergie non négligeable. Dès lors, certains fabricants commencent à utiliser les énergies renouvelables notamment en Californie. En revanche, en Inde ou en Chine, les énergies fossiles prédominent toujours. Dans la bataille informationnelle que se livre les acteurs du diamant synthétique et du diamant naturel, la décision de la Federal Trade Commission (FTC), l’autorité américaine de la concurrence,  qui vient de demander à plusieurs revendeurs de pierres fabriquées en laboratoire de faire plus clairement la différence avec les gemmes naturelles dans leur communication est saluée par nombre de grands producteurs de diamants naturels.

Meriem Allier

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