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Le Jeudi Noir

Par Everlastingdts
Le Jeudi Noir.
Le soir de la mort.
Je marchais dans la rue et me laissais distancer
Tandis que six jours six vies se terminaient.
Je regardais vos pas
Chemise blanche, jean bleu, converses noires et blanches
Haut gris emprunté, jean bleu, sandales noires
Haut et Jupe, claquettes
Robe florale, cheveux frisés, sandales noires
Je m'éloignais.
La gorge serrée, les yeux brouillés de larmes,
Je ravalai : « Au revoir »
C'était le premier.
Que dire si ce n'est l'évidence ?
Ce fût alors l'escalade
Marche arrière dans le parking, direction la Nuit
Droite, Gauche, j'arrêtai la musique
Pour écouter le silence
Le sens.
Je tremblais, reniflais
Ralentissais pour essuyer mes yeux
Dans le silence, le sens.
A destination, pas un mot, un regard seulement.
Puis le Noir encore une fois, une pause
Avant de repartir
« Tu n'es pas trop déprimé ? »
Pas de réponse.
Le retour, désespéré
Comme amputé
De l'unité, le Samaritain.
Nous sommes arrivés les premiers.
Le jardin était l'écran noir
Percé par les aboiements
Puis le grincement du portail
Le deuxième était là sur le sol
Il dormait.
J'allumai la lumière, le ventre serré
J'avais peur.
Je m'approchai : « Oh mon Dieu »
« Tu es sûr ? »
Son corps immobile
« Oh mon dieu » (Pourquoi ?)
Le coup de poignard dans le ventre
Fit tomber mon sac, mes lunettes
Sur l'herbe de braie.
Je ne pouvais plus.
Me mordre les lèvres
Retenir le vide à mes yeux
Je m'assis sous le Saule.
Elles étaient là, à quelques mètres, muettes.
Cela a duré une heure.
Ils ont répondu à la deuxième sonnerie
« Il est mort »
Elle est arrivée très vite
Ils sont revenus des Monts
Tous réunis de force
Dans la douleur
Et le noir intense de cette nuit de Mort.
Je m'étais relevé entre temps pour me coucher.
« Je dormirai par nécessité ».
Gladiateur avant l'assaut final,
Sur les rives du Styx, le coup de maître
Pour ma meilleure rechute.
Nous nous couchâmes à l'Aube.
Casquette, T-shirt noir, short rayé
Je descendis me cacher
Les yeux irrités, le nez infesté
Par l'odeur de la terre.
Papa creusait la Tombe
Devant la maison, entre les lauriers,
A la pioche et à la pelle.
Le sol était dur, rempli de pierre,
L'effort sacrificiel.
Curieux mélange d'Amour et de Mort
En ce midi de Juillet.
Le malaise renforcé par la fin
De choses qui semblaient éternelles.
La fragilité d'une voix, d'une personnalité
Qui comprend sa faiblesse par delà les apparences
La force vitrine sur un cœur de brocanteur
L'œuvre de tous qui s'anéantit sans personne.
La dernière épreuve fut sur le pas de la porte
Et la gêne bien sûr, le silence
Le sens.
« Pitié ! Taisez-vous ! »
Les Couleurs, la Forme, et le Charme
Qui s'estompaient
Dans la voiture, au bout du chemin.
Je leur dis au revoir avec le Jeune,
Qui semblait horriblement content
Et pourtant si seul.
Il ne réalisait pas sans doute.
Moi je comprenais.
Comme je l'ai toujours compris.
Je comprenais que c'était là le moment
Tant redouté pour plus d'un an.
La date noire sur le Calendrier
Derrière laquelle tout semblait
- et semble encore-
Vide de sens.
« Rochers sans eau ». Pierres d'une rivière asséchée.
Je marchai un peu quand ils partirent
Errer dans les tunnels déchiquetés
Que mon père avait dû vendre.
Encore une fois encore une fois.
Sur la route vers le Nord
Dans les bras de ma mère, ma sœur,
Derrière les lunettes noires de mon père
Et dans mon cœur percé.
Ils sont partis avec moi-même en eux
Et sans moi pourtant
Comme un jouet en mille morceaux
Je me brise m'effondre
Sans notice de construction.
Où trouverai-je les nouvelles briques ?
Le ciment est en moi, ce sont mes 18 ans,
Mes cornes de Bélier.
Mais où trouverai-je la matière ?
Il faut renoncer aux yeux
- car c'était là mon erreur -
Et trouver en soi-même son essence.
Mais si je n'avais pas la carrure ?
Si c'était là mon sort, ma condamnation,
A vivre à travers plutôt qu'en soi
Pour ne jamais décoller un pied
De l'Humanité ?
Je suis l'Eternel condamné de l'Existentialisme,
Le croyant incroyant au Royaume de l'Etre-Apparence
Où les yeux sont souverains.
Je suis le Nouvel Homme et pourtant l'Ancien
Sisyphe à jamais
Adam au Premier Pas
Séduit par la pomme
Car il me manquait la foi. Le Jeudi Noir

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