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Déjouer le conformisme en entreprise grâce au Cercle des poètes disparus

Publié le 25 février 2020 par Fredcolantonio

Dans le cadre des démarches d’intelligence économique (France) dénommée également intelligence stratégique (Belgique), 3 piliers sont identifiés comme leviers pour les entreprises : la protection, la veille et l’influence. Je m’attache depuis plusieurs années à jouer le rôle de détonateur d’inspiration, d’action et de signification en entreprise pour le pilier influence. Comment influencer son environnement ? Quel est l’intérêt ? Est-il possible de s’en passer ?

Que l’on soit une TPE (Très Petite Entreprise) de quelques personnes, une PME (Petite ou Moyenne Entreprise) ou même un grand compte, l’influence est présente à tous les instants, dans toutes nos démarches. Beaucoup la sous-estiment, privilégiant une posture attentiste ou réactive, plutôt qu’anticipative et proactive. A l’heure de la créativité et de l’innovation sur toutes les lèvres, le danger qui guette les entreprises, c’est le conformisme. L’extrait du film « Le cercle des poètes disparus » (1989) qui suit illustre à merveille la situation de bon nombre d’entreprises.


Extrait du Cercle des poètes disparus : La marche (2’05 »)

En synthèse, cet article aborde trois thématiques liées : le conformisme, le mimétisme et la différenciation.

1. Le péril du conformisme

Toute entreprise peut en faire l’expérience, à toutes les étapes de son existence (création, croissance, cession). Il se manifeste par des symptômes classiques : inertie, statu quo, voire immobilisme complet. Les entreprises sur un marché se regardent l’une l’autre, s’épient pour savoir « ce que font les autres » et aligner leur propre stratégie en fonction. Peut-être est-ce déjà mieux que l’entreprise qui, tête dans le guidon, ne prend même pas la peine de surveiller son environnement ? Quoi qu’il en soit, le conformisme devient un piège dès lors que :

  • Le conformisme devient l’argument-réponse qui étouffe tout questionnement : le conformisme est insidieux. Il prend un caractère de vérité universelle : « Si c’était opportun, ça se saurait » ou encore « Si ça valait la peine de fonctionner différemment, d’autres l’auraient fait ». Toute démarche visant à permettre à l’entreprise de se réinventer est avortée dès lors que le conformisme entre en jeu.
  • Le conformisme tue la créativité et l’innovation : « Personne ne le fait, pourquoi devrait-on s’y coller ? » « Justement parce que personne ne le fait » pourrait être une voie de réponse disruptive, non ? En tout cas une piste à investiguer. En lien direct avec le point précédent, le conformisme endort la curiosité, l’intérêt pour d’autres démarches ou façons de faire. Il plombe le questionnement, sources même de la créativité et de l’innovation. C’est biologique : chez l’être humain, la curiosité fait partie du mode mental préfrontal, alors que le conformisme fait partie des acquis du mode mental automatique (merci à Jean-Yves Girin de l’explication limpide et succincte).
  • Le conformisme enlise l’entreprise dans la routine : en se bornant à répéter ce que les autres font ou en se reposant que le fait que « On a toujours fait comme ça » sans se poser les questions : « pourquoi faisons-nous ce que nous faisons ? », « comment faire mieux ou aller plus loin ? » ou encore « si nous démarrions ce business aujourd’hui, comment nous y prendrions-nous ? », le conformisme dénature l’essence même de ce qui fait vivre l’entreprise. La routine tue l’inspiration et sans inspiration, difficile pour les collaborateurs d’être motivés durablement à ce qu’ils font.

Le conformisme, c’est le mimétisme chloroformé.

2. La base d’apprentissage : le mimétisme

C’était pourtant bien parti : le mimétisme est le point de départ de l’apprentissage. C’est par imitation que nous apprenons. Depuis la naissance, nous regardons comment d’autres font : nos parents, nos frères et sœurs, nos proches. Ils nous stimulent et nous montrent comment faire « coucou » ou « au revoir », marcher, parler… Le mimétisme est le fondement de l’apprentissage. Il permet aussi d’éviter de réinventer la roue : regarder son environnement et être attentif à ce que font les autres sont des démarches utiles pour construire sa différenciation.

Le danger du mimétisme naît lorsqu’on se borne à reproduire ce que les autres font déjà sans y apporter sa propre valeur. C’est là que le mimétisme devient conformisme.

3. La clé: la démarche (non naturelle) de différenciation

Un point de différenciation vient du questionnement. Il pourrait être : « Pourquoi avons-nous choisi cette activité ? » ou « Comment faire mieux ou autrement vu notre contexte et ce que les autres font déjà ? » Répondre à la question « comment nous différencier ? » suppose l’entrée dans un processus qui demande une conscience et un effort continus. C’est que la démarche n’est pas naturelle. Ce qui est naturel, c’est le conformisme. Faire comme les autres, être accepté, rentrer dans le rang.

La voie de la différenciation consiste non pas à réfuter en bloc ou accepter avec mollesse (logique exclusive). Se distinguer repose sur l’intégration des deux volets (logique inclusive) : accepter de regarder autour de soi pour comprendre et refuser de s’en tenir à faire la même chose que les autres en cherchant toujours à se servir des différences comme d’un levier pour se hisser à un autre niveau, se départir de ce que font les autres, se mettre en situation de démarcation. C’est avec cette attitude qu’une entreprise peut stimuler son activité et son attractivité. C’est comme ça qu’elle peut s’adapter, évoluer et anticiper.

3 pistes pour garder une démarche d’innovation et de différenciation :

  • Nous pouvons faire preuve de concentration, c’est-à-dire de focalisation sur ce que nous avons identifié comme ayant une forte valeur ajoutée. C’est la technique Apple : chaque année, Steve Jobs emmenait le top 100 des employés de l’entreprise en retraite. Il demandait à la fin du séminaire de réflexion les 10 idées qu’Apple devrait déployer l’année suivante. Une fois obtenues et classées par priorité, il barrait les 7 dernières en affirmant : « nous avons le temps d’en développer seulement 3 ». Quelles sont les 3 idées que nous mettrons en œuvre prioritairement l’année prochaine pour grandir et nous développer en tant qu’entreprise ? Quelles sont les 7 autres pistes que nous écarterons ? Voilà assurément des questions de saison qui permettent de faire la clarté sur la direction à prendre en 2015 (et même après si nous répétons l’exercice J)
  • Pratiquement à l’inverse, nous pouvons faire preuve d’attention. Cette dernière est l’aptitude à n’être concentré sur rien mais attentif à tout. Cette ouverture crée une posture d’éveil et de vigilance aux opportunités et aux signaux faibles. C’est la technique Virgin. Pour Richard Branson, son fondateur : « Si vous êtes bon dans un business, vous êtes bon dans tous les businesses ». Quelle méthode, façon de faire, canaux de communication nous différencient et peuvent contribuer à notre démarche d’innovation ?

Merci à Philippe Gabilliet de cette distinction entre concentration et attention. Bien entendu, concentration et attention se complètent. Leur présentation est grossie et polarisée à des fins didactiques.

En réalité, c’est la bonne oscillation entre ces 2 phases qui constitue le facteur-clé de mouvement, de créativité et d’innovation pour les entreprises : être attentives aux opportunités de marché et d’environnement pour se concentrer sur leur mise en place et réalisation. Répéter l’exercice pour en faire une bonne habitude consciente, sans tomber dans la routine.

  • Dans tous les cas, il importe de garder à l’esprit le piège du conformisme pour s’en prémunir. Il revient tellement vite au galop qu’il est fondamental d’en avoir conscience le plus souvent possible pour l’éviter. Apprenons et comprenons par l’imitation, mais évitons de nous arrêter à mi-chemin, ce qui est synonyme de médiocrité (qui désigne la caractéristique de celui ou celle qui s’arrête à la moitié – merci à Yves Richez de cette précision). Et si nous ne sommes pas les premiers, contrairement à ce qu’affirment certains principes de marketing, c’est peut-être une bonne chose : Google n’était pas le premier acteur dans le secteur de la recherche ; Apple n’était pas le premier acteur dans le secteur des téléphones intelligents.

Appliquons-nous plutôt à aller au bout des choses pour trouver nos propres routes. C’est ce à quoi exhorte le professeur Keating interprété par Robin Williams dans le Cercle des poètes disparus. C’est ce processus ce qui nous apportera la différenciation et la démarcation tant convoitées pour l’être tout autant.


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