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Les Inconsolés, de Minh Tran Huy

Publié le 02 mars 2020 par Francisrichard @francisrichard
Les Inconsolés, de Minh Tran Huy

Lise a une conscience aiguë des défauts de Louis et les accepte, quand lui s'aveugle absolument sur elle. C'est la différence entre eux, une différence qui finira par leur coûter cher...

C'est l'Autre qui dit ça et qui parle d'eux à la troisième personne, tandis que, parallèlement, Lise raconte à la première sa vie et ses amours tumultueuses avec Louis. Car ni Lise ni Louis ne peuvent s'aimer sans peine. Leurs différences ne sont pas seulement des différences de lucidité à l'égard de l'être aimé.

Les parents de Lise et de sa petite soeur Liane sont tous deux issus de familles paysannes sans le sou. Ils se sont connus à Paris en faisant les mêmes études d'ingénieur, mais ils ont grandi à quinze mille kilomètres de distance, elle orpheline en Normandie, lui au Vietnam en guerre. Ils habitent une maison en meulière.

Les parents de Louis appartiennent à la haute bourgeoisie. Son grand-père a dirigé une banque privée et son père a fondé une société de capital-investissement. Ils habitent à Paris un hôtel particulier XIXe, où leur fils occupe un duplex indépendant, et ils passent leurs week-ends dans leur propriété normande.

Comme le dit l'Autre, avec une pointe de dédain, Lise et Louis n'ont été réunis que par les caprices du hasard et de la méritocratie républicaine qui permet encore parfois, rarement, à la fille d'un immigré et d'une petite paysanne initialement sans le sou de faire ses études sur les mêmes bancs qu'un fils de famille.

Cette différence n'est pas rédhibitoire, au début du moins, même si Lise, à qui Louis dit qu'elle est une fille comme il n'y en a pas une sur un million, pense qu'il se raconte des histoires pour justifier ses sentiments pour elle, expliquer en quoi il a raison de l'aimer, alors qu'elle l'aime, elle, sans se raconter d'histoires.

Lise ne se sent à l'aise nulle part, hormis dans les livres et dans les films, tandis que, pour Louis et ses semblables, tout fond simplement dans les mains, car il leur suffit d'aspirer à être et obtenir le meilleur, à dominer et à commander, à faire plier [sous eux] un monde qui tient du champ de bataille permanent...

Le malentendu, souligné par l'Autre, dont l'identité n'apparaît qu'à la fin, a des conséquences néfastes, si bien que, pour eux deux, s'aimer se réduit à un mauvais sort comme on en trouve dans les contes, contre quoi on ne peut rien jusqu'à ce que l'enchantement ait cessé, ce qui donne un sens au titre nervalien.

Francis Richard

Les Inconsolés, de Minh Tran Huy, 320 pages, Actes Sud


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