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Les aventures du Prince Lexomil : XXV

Publié le 19 juillet 2008 par Porky

Episode 25

Où l’on va prendre des nouvelles de Leurs Majestés

dans leur palais royal de Coup Dur

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A peine Fa et Lexomil avaient-ils posé un pied sur le trottoir, vigoureusement poussés par des mains impatientes, que la porte du commissariat se referma sur eux et ils entendirent un étrange bruit de verrou qu’on enclenchait, de chaîne qu’on accrochait et de clefs qu’on tournait trois ou quatre fois dans la serrure. « Seraient-ils contents de se débarrasser de nous ? » s’interrogea Lexomil en fronçant les sourcils.

Fa regardait autour d’elle d’un air toujours aussi méprisant. Lorsque son regard se posa sur Lexomil, sa physionomie ne changea pas d’un iota. Elle s’était enfermée dans un silence hautain et ne semblait guère disposée à se désincarcérer. « Je crois que nos chemins vont diverger, dit enfin Lexomil, prenant son courage à deux mains. Je vais continuer ma route sur Congédiement et vous allez certainement retourner hululer, pardon, scander devant l’immeuble… » « Certainement, assura Fa. Et si nous nous croisons, veuillez changer de trottoir en me voyant, s’il vous plait. » Non seulement la voix était glaciale, mais la moue accompagnant ces paroles si féroce que Lexomil en blêmit. « Voyons, dit-il, c’est stupide de se disputer pour si peu (Fa sursauta), je veux dire, pour de telles bagatelles (Fa ouvrit des yeux meurtriers), enfin, pour une cause aussi noble et aussi désintéressée (Fa eut l’air d’agréer la rectification). N’êtes-vous pas de mon avis ? Nous nous entendions bien, avant cette regrettable mésaventure. » « C’est vrai », convint Fa, en chemin vers la reddition. « Une amitié comme la nôtre ne peut pas se briser ainsi, sur le premier écueil venu, continua Lexomil, grandiloquent. D’abord parce qu’elle est trop forte et quasiment inoxydable et ensuite parce que… » et ne trouvant plus d’argument, il termina sa phrase d’un moulinet du bras. « Certes, admit Fa. Vous m’avez profondément déçue. Mais mon esprit altruiste et généreux sait se montrer magnanime quand il le faut. Topez là. Allez de votre côté, je vais du mien. Et restez sur le même trottoir, finalement. Je vous dirai quand même bonjour. » Là-dessus ils se serrèrent la main et Lexomil se mit en marche pour Congédiement tandis que Fa, revigorée par sa nuit au commissariat, retournait « faire sa fête » à celui qui refusait toujours de donner le double des clefs.

Pendant que notre Prince vivait toutes ces aventures, que devenaient leurs Majestés Valium et Xanaxa ?

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L’un régnait toujours sur Déprime depuis son Palais Royal et l’autre continuait de donner des ordres péremptoires et contradictoires à sa domesticité, laquelle ne savait plus bien où donner de la tête. Depuis que le Prince Héritier était parti, Xanaxa, qui n’avait plus personne à chercher dans les couloirs et à houspiller, était devenue légèrement pénible et même Valium s’en était aperçu. Il faut dire que la Reine ne cessait d’embêter son royal époux en lui confisquant sa tapisserie, en l’empêchant de faire sa sieste dans la Bibliothèque et en le sommant régulièrement de proclamer quelques édits, ne serait-ce que « pour justifier sa position et son salaire ». Ce à quoi Valium répondit qu’il ne touchait aucun salaire et que les édits regardaient ses ministres. « Gouvernez ! » rétorqua sèchement Xanaxa. Et là, Valium comprit que la Reine n’était pas dans son état normal : d’habitude, elle lui ordonnait de ne surtout pas se mêler des affaires du royaume et de laisser des gens compétents s’occuper des réformes et autres « bagatelles ». Aussi se décida-t-il un soir à la rejoindre dans la salle du trône, alors que Sa Majesté, assise sur le trône, essayait vainement de tricoter une écharpe.

« Vous n’allez pas bien, ma chère, commença Valium en s’asseyant sur le deuxième trône. Vous abhorrez le tricot et vous voulez que je gouverne le royaume. Vous êtes malade, c’est certain, il faut faire venir le médecin. »

« Je vais très bien, dit sèchement Xanaxa. Seulement… Je m’inquiète un peu pour notre fils. » Valium ouvrit de grands yeux. « Qu’est-ce qui vous prend ? Vous avez passé votre temps à gémir que Lexomil était un incapable et un crétin et pour une fois qu’il ne fait pas parler de lui, vous déprimez ? Ma chère, il faut songer à redevenir Reine. Vous plongez vers la plus lamentable pleurnicherie populaire maternelle. » « J’en ai conscience, dit gravement Xanaxa. Et en parlant de choses « maternelles », justement, mon cœur de mère et mes entrailles s’émeuvent à la pensée de ce qui a pu lui arriver. » « Que voulez-vous qu’il lui soit arrivé ? demanda Valium. Nous aurions été prévenus en cas d’accident ou de maladie grave. Il a son passeport. » « Quand même, s’obstina Xanaxa. Je ne suis pas dépourvue de tendresse à son égard. Il m’horripile, ça c’est un fait, mais c’est mon fils. » « Et alors ? » fit Valium, dépassé. « Alors rien. C’est vous qui venez m’ennuyer avec vos remarques saugrenues. » « Voulez-vous que j’envoie quérir mes détectives privés afin qu’ils nous donnent de ses nouvelles ? Cela pourrait vous rassurer. » « Valium, mon ami, ne confondez pas vague malaise venant d’une conscience maternelle et peur panique résultant d’une psychose. Je n’ai pas besoin de rapport journalier. Simplement, je me demande où il en est dans son périple. » « Et bien, je vais demander à mon enquêteur officiel de faire des recherches. Nous savons qu’il avait pris la route de Stress. Cela ne doit pas être bien compliqué de savoir où il s’est fourvoyé ensuite. » La Reine Xanaxa hocha la tête. « Quand même, pauvre petit, j’espère qu’il n’a pas pris froid et qu’il ne meurt pas de faim. J’ai des remords, Valium, et naturellement, tout cela est de votre faute. » La dernière remarque rassura le Roi : allons, tout n’était pas perdu, la Reine n’avait pas abandonné ses bonnes habitudes d’accuser son mari de tous les maux de la terre. Ce n’était qu’un malaise passager, que l’Enquêteur Royal allait dissiper d’un seul coup de baguette magique.

Le Roi Valium tira sur le cordon de la sonnette, lequel lui resta entre les mains. « Tout est pourri, dans ce royaume, constata la Reine. Y compris les cordons. » Un domestique apparut, auquel on donna l’ordre d’aller quérir sur le champ l’Enquêteur Royal. Cestui arriva dans la minute suivante, et s’agenouilla devant leurs Majestés. « Relevez-vous, dit Xanaxa. Je déteste parler aux gens la tête penchée. » Mais, debout, l’enquêteur dépassait Sa Majesté d’une bonne tête. « Asseyez-vous, ordonna Xanaxa. J’ai également horreur de parler la tête en l’air, ça me bousille les cervicales. » Lorsque la bonne position fut trouvée, on confia à l’âme damnée de Valium les soucis royaux. « Atarax fidèle serviteur, s’énonça Valium, la Reine et moi voulons avoir des nouvelles de notre fils Lexomil. Veuillez savoir où et dans quel état il se trouve. Vous avez vingt-quatre heures pour nous faire votre rapport. » « Douze suffiront, Sire », dit Atarax en se relevant. Et après un salut aussi cérémonieux que grandiloquent, il quitta la salle du trône.

(A suivre)


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