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La fille qui s’essayait à la méditation transcendantale à Dakshinkali sur fond de Motörhead

Par La Chose

La fille qui s’essayait à la méditation transcendantale à Dakshinkali sur fond de Motörhead

Hier, j’ai entendu de drôles de choses derrière la porte de notre chambre.
Dans la chambre, au départ, y’avait Loutre qui regardait une série hollandaise très haletante à propos d’un réseau de prostituées blondes et sexy qui sont pourchassées par des mafieux bruns et repoussants dans le port d’Amsterdam (où y’a des marins qui chantent mais sauf que là c’est des mafieux) (bruns et repoussants) (les mafieux, pas les marins).
Mais sauf que là, j’entendais plus les prostituées qui criaient « Help me, in plakjes snijden in de haven van Amsterdam waar zeelieden zingen » (le hollandais est une langue très douce, un peu comme l’allemand et le japonais).
A la place, j’entendais une voix qui ressemblait à celle d’Ulla (la gentille dame du Minitel qui te proposait des choses sales et payantes en 1989), et Ulla était en train de donner des ordres à Loutre, et j’ai trouvé que tout ça commençait à sentir le faisandé, alors j’ai ouvert la porte très vite et très fort  en donnant un grand coup de pied dedans, comme dans un film de Luc Besson (où il y a toujours des prostituées blondes et des mafieux bruns et repoussants, et aussi des personnes d’origine asiatique et des voitures rapides, quand on y pense).

Après que j’ai fini de hurler (rapport à mon gros orteil qui avait rencontré la surface dure et un peu fasciste de la porte parce que j’avais oublié que j’étais en chaussettes), j’ai lancé à Loutre un regard très acéré et très vindicatif pour bien lui faire comprendre que j’appréciais pas trop le coup d’Ulla et que tout ça, c’était délit d’adultère et aussi grosse facture de téléphone en perspective.

– Ben qu’est-ce que tu fous ?
– C’est pas un peu à moi de te demander ça, des fois ?
– Je médite. Enfin je méditais. Maintenant que Clint Eastwood a défoncé la porte en se fracturant le gros orteil, j’avoue que ma concentration a un peu foutu le camp.
– Tu médites ? Avec une prostituée batave au téléphone ?
– J’ai pas compris.

Alors je lui ai expliqué le coup de la voix d’Ulla et le prix que ça coûte de passer un appel sale sur des serveurs ukrainiens clandestins qui font bosser des caissières de chez Carrefour dans des sous-sols sans fenêtres qui sentent mauvais, et qu’en plus elles sont même pas payées vu que ce sont des mafieux bruns et repoussants qui les menacent de transformer leurs enfants en bitterballen ou en stroopwafel si elles font pas de la prostitution dans le téléphone.

Loutre m’a regardée comme si je venais de lui proposer qu’on se déconfine en allant chez le Claude avec de la Tequila et de la cocaïne pour faire un mini-carnaval brésilien dans la cour de sa ferme, entre les quatre vaches à la retraite et le cochon maniaco-dépressif (qui s’appelle Klaüss).

– Et d’une, c’est pas « Ulla » mais « Mathilde ». Et de deux, ce n’est pas du téléphone rose mais de la méditation.

Et donc Loutre m’a expliqué que c’était une application très utile avec un truc appelé « Petit bambou » et une dame nommée « Mathilde » qui te donne des conseils pour respirer, pour rester calme et pour bien dormir la nuit sans avaler une boite de Xanax ou regarder une rediffusion de Navarro.

– « Petit bambou », c’est rapport à quelque chose de précis ?
– NON. C’est le nom du petit personnage qui anime les séances, bordel. C’est un moine bouddhiste. Donc ils lui ont donné un nom qui fait penser à un moine bouddhiste.
– Bien sûr. Rien à voir avec une histoire de longueur du bambou, donc.
– RIEN.

Comme j’avais l’air plus sceptique qu’une fosse, Loutre m’a mis son téléphone sous le nez pour que je puisse bien voir le truc.

Du coup sur l’écran, y’avait un type qui ressemblait à Tortue Géniale, le pervers sexuel qui entraine Sangoku dans Dragon Ball (KA ME HA ME HAAAA), sauf qu’au lieu de soulever les jupes de collégiennes de douze ans, il était en train de faire de la lévitation au-dessus d’un lac à Fukushima, et y’avait la voix de Mathilde en arrière-plan qui expliquait qu’il fallait inspirer profondément et puis ensuite expirer à fond, et puis fixer un point lumineux sur le lac et sentir son diaphragme se libérer.

Moi, toutes ces histoires de bambous et de diaphragmes, ça m’inspirait pas super confiance quand même, alors j’ai dit à Loutre que OK, peut-être que finalement c’était juste un truc new-age pour les néo-ruraux confinés mais que j’allais quand même vérifier, et donc j’ai téléchargé Petit Bambou sur mon iPhone.

Quand j’ai lancé Petit Bambou, déjà on m’a demandé si je préférais une voix de fille ou une voix de garçon. J’ai trouvé ça louche, quand même, parce que si c’est juste pour hyperventiler sur ton lit entre deux épisodes de La casa de Papel, ça sert à quoi de choisir si tu le fais avec un gars ou une fille ?

Après, la voix de Mathilde m’a expliqué qu’il fallait que je me pose, que je sois ouverte au présent, que je m’installe confortablement, les jambes un peu écartées, et que je commence à inspirer par le nez.

– C’est un truc pour accoucher à domicile, en fait.
– Pas du tout. Ferme ta bouche et continue.

Après, y’a des cloches qui ont sonné (pas les cloches de Sainte-Fistule, qui servent à rameuter les gens de la Manif Pour Tous, mais celles du monastère de Neydo Tashi Chöling, qui se trouve à Dakshinkali). On m’a demandé d’être curieuse vis-à-vis de ce qui se passait en moi (je me suis rendue compte que j’avais un gaz qui était coincé à 3 centimètres du coude de mon colon ascendant, alors je me suis dit que le truc marchait quand même pas mal). On m’a aussi demandé de commencer à me balancer d’avant en arrière, d’avant en arrière, d’avant en arrière …

– Oui ben j’ai compris, pas la peine de me le répéter trois fois, non plus.
– Mais TA GUEULE.
– Ayé, je me balance, je me balance, je me balance.
– ….
– Je ressemble un peu à Helen Keller, non ?
– TAIS-TOI.
– ok.

Après j’étais censée me concentrer à fond sur mon abdomen, « qui se gonfle, se dégonfle, se gonfle, se dégonfle », mais j’ai eu un peu peur (rapport à mon colon ascendant) et j’allais dire à Loutre qu’on allait avoir un incident diplomatique, mais à ce moment-là y’a Phlegmon qui est entrée dans la pièce en donnant un grand coup de pied dans la porte.

Quand elle a eu fini de hurler à cause de son gros orteil, elle s’est mise à sauter partout en faisant comme des cris de singe, ça faisait « oyaresidentevilkisort, oyaresidentevilkisort  » avec des bulles qui sortaient de sa bouche et aussi ses yeux qui se retournaient dans leurs orbites (comme ceux de Regan MacNeil quand elle devient copine avec Pazuzu dans l’Exorciste).

Mathilde, elle continuait à me raconter plein de choses avec sa voix très douce et très chaude, mais moi j’ai commencé à sauter partout avec Phlegmon, et après on a sauté sur le lit en criant et en rigolant beaucoup, et j’essayais d’expliquer à Loutre que le remake de Resident Evil (1999) venait de sortir sur Playstation 4 et qu’on allait y passer toute la confination en mangeant des chips et en écoutant de la musique de sauvage tout en flinguant des milliers de chiens zombies dans des sous-sols glauques, mais tout ce qui sortait de ma bouche c’était oyaresidentevilkisort et aussi beaucoup de postillons.

– C’est un cauchemar, a dit Loutre.

Mathilde me demandait de laisser ma respiration reprendre son rythme naturel, mais j’étais en hyperventilation, alors je lui ai juste demander de fermer sa gueule et on a couru au rez-de-chaussée avec Phlegmon pour aller regarder la bande-annonce de Resident Evil sur internet.

La méditation téléphonique c’est sûrement très chouette et générateur de plein de bien-être et d’équilibre pour tes chakras, mais ça manque tout de même cruellement de zombies.


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