Magazine Beaux Arts

Clairvaux

Publié le 19 juillet 2008 par Marc Lenot

A la Maison Européenne de la Photographie, c’est souvent dans la discrète petite salle derrière le café et les toilettes, que j’éprouve le plus d’émotion. Les critères de programmation de la MEP stipulent sans doute qu’on expose là des photographes moins établis, je ne sais, mais aujourd’hui encore ce sont les photos d’Eric Aupol montrées là qui m’ont le plus saisi. (toutes ces expos jusqu’au 14 Septembre)

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Est-ce à cause du cadre, la prison centrale de Clairvaux dans une ancienne abbaye cistercienne au milieu d’un paysage triste, avec ses cellules aux murs lépreux, avec ses souvenirs de drames et de mutineries ? Est-ce à cause du sujet, le corps ‘palimpseste’ du détenu T.C., qu’Aupol rencontre lors d’un atelier photo qu’il anime pour les détenus, et qui se suicidera peu après sa remise en liberté ?

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Est-ce à cause de la question des prisonniers, des ‘longues peines’, de la politique carcérale de mon pays ? Peut-être, mais je crois que c’est aussi, sinon surtout, à cause de la conception de l’exposition, de sa mise en scène. Cette alternance entre grandes photos des murs dégradés de la prison, cellules mal éclairées par des fenêtres grillagées, et petites photos du corps musclé et tatoué du prisonnier, à contre-jour sur fond clair, crée un rythme, une tension dérangeante : la peau et la pierre, le vivant en sursis et l’inanimé mémoriel, une même violence.

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Ailleurs dans la MEP, Sophie Elbaz est une photographe du pathos, en Bosnie, à Cuba ou chez les séfarades algériens. Ce n’est pas mal, mais c’est trop fait pour vous émouvoir, vous tirer des larmes, vous placer exactement là où il faut être, du bon côté des bons sentiments, des idées justes, que je m’en suis vite lassé. Sauf cette photo mystérieuse de drapeaux noirs frappés d’une étoile, flottant au vent, en contre-plongée (dans la série Aleyo) : heureusement qu’il n’y a pas d’explication, on peut y projeter des images de piraterie, de magie ou de fanatisme. C’est l’image la plus ouverte de son travail, et celle qui m’a le plus attiré.

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Sinon William Klein démontre magnifiquement que, quel que soit son talent de photographe, il ne comprend absolument rien aux chevaux et qu’il n’a aucune idée de ce qu’est le dressage, art subtil de l’harmonie entre cavalier et monture, impossible à décrire, antispectaculaire et ésotérique. Ses photos montrent des évidences, l’attente, les vans, les enfants jouant avec les chevaux, un jeu de sabots, rien qui approche, même de très loin la magie secrète du dressage, de cette impossible complicité entre deux êtres, de cette non-évidence, justement. Alors, plutôt que vous montrer ses photos, voici le protomé à l’entrée de l’expo, kitsch fourni par Hermès.

Quant à Annie Leibovitz, c’est une autre histoire.

Photos de l’auteur.


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