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La pratique de l’encerclement cognitif par les ONG

Publié le 25 mai 2020 par Infoguerre

L'Homme, Face, Expression Faciale, Corps, Nu

Ces dernières décennies, les thématiques liées à la protection de l’environnement, la préservation du patrimoine commun qu’est la terre, le développement durable etc. ont pris une place prépondérante dans les débats au niveau mondial. Toutefois, bien que ces questions soient prônées de manière consensuelle, les enjeux économiques et financiers autour sont tels que les résolutions qui en découlent se heurtent aux intérêts de grands groupes et lobbying et peinent ainsi à se concrétiser. Dès lors, on assiste à l’émergence de nouveaux acteurs, notamment les ONG et organismes de défense. Leur rôle : ramener les grandes marques et entreprises au respect des valeurs qu’elles prônent via les rapports de force, les attaques informationnelles, la participation au capital, de nouveaux leviers d’influence.

Le ciblage des entreprises

La tactique de l’encerclement cognitif a donné aux acteurs de société civile la capacité de déstabiliser des entreprises en les attaquant sur un terrain informationnel qui n’était pas leur cœur de métier. L’encerclement cognitif du faible se décompose le plus souvent de la manière suivante : des campagnes de dénonciation d’un problème (prises de parole publiques, manifestations, séances de happening), relayées sur les réseaux sociaux, utilisation des médias comme caisses de résonance, poursuites judiciaires, procès et propagande si l’issue est favorable.

La montée en puissance des ONG de défense des droits de l’homme, des animaux et de la protection de l’environnement résulte en partie de ce mode opératoire. A titre illustratif, citons le cas d’école l’affaire relative au projet de tramway de Jérusalem ayant opposé les entreprises françaises Véolia et Alstom à l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) et l’Organisation de Libération de la Palestine. Après de grandes campagnes informationnelles, ces dernières allant en justice pour réclamer l’annulation du contrat passé par ces deux sociétés actionnaires à raison de 25% dans le Consortium israélien City Pass. Le motif invoqué  porte à la fois sur « la violation des conventions internationales et le renforcement de l’occupation de Jérusalem Ouest par Israël » à travers ce projet.

Le procès a eu lieu en 2006. Il connaitra de nombreux rebondissements ainsi que des dommages collatéraux pour les entreprises ciblées, avant de connaître son épilogue en 2013. Selon les attendus du jugement, les accords internationaux évoqués créent certes des obligations entre les Etats, mais ne sauraient prévaloir dans les rapports entre sociétés privées. Au nom du r   appel de ce principe, les deux ONG furent condamnées à verser la somme 30 000 € aux entreprises incriminées à titre de frais encourus. Si, dans ce procès, les rapports de force ont joué contre les détracteurs, les répercussions ne s’arrêteront guère au seul cadre de cette affaire. De façon directe ou indirecte, ce procès engendra une véritable guerre économique contre les deux entreprises françaises. Alors que Véolia postulait pour le renouvellement d’un contrat relatif à la gestion du métro de Stockolm, la firme française sera la cible d’attaques informationnelles de la part de Diakonia, une ONG suédoise qui lui fera le contrat. L’onde de choc a continué de se propager à telle enseigne que Véolia a été exclue de son portefeuille de fond de pension par son partenaire financier néerlandais ASN Bank. Le même traitement a été réservé à Alstom, lui aussi exclu du fond AP7.

La participation au capital : l’autre cheval de Troie des ONG

L’apparition des fonds activistes est à l’initiative de quelques ONG dotées de moyens financiers et médiatiques non négligeables. Ces nouveaux investisseurs qui s’invitent sur l’échiquier des affaires attirent, de plus en plus, l’attention sur le concept d’ « entreprises éthiquement et socialement responsables », tout en mettant l’accent sur une question fondamentale de l’entreprise : la cohérence. Au risque de susciter des bouleversements profonds pouvant avoir des impacts économiques et financiers considérables, ils exigent plus de transparence entre les discours éthiques et les actes.

En effet, le canal d’émergence de cet activisme sociétal est sa participation au capital des entreprises visées. Profitant de la crise économique généralisée, ces nouveaux acteurs ont tôt fait d’acquérir des actions dans de nombreuses sociétés cotées et ont ainsi acquis le droit à la parole lors des assemblées générales. Exploitant ces tribunes qui leur sont offertes, ils somment les entreprises sur la prise en compte au quotidien des critères E, S et G dits extra-financiers. Ces critères concernant les questions environnementales, sociales,  de gestion de ces groupes.

L’entrisme dans assemblées d’actionnaires

Les ONG qui initié cette forme d’interventionnisme sont parmi les plus rompus aux débats institutionnels à l’image d’Amnesty International notamment sa branche américaine. Avec un fond d’investissement de 15 000 dollars vers la fin de l’année 2006, elle s’est empressée d’entrer au capital de plusieurs grandes entreprises telles que Chevron Texaco, Dow Chemical, Nortel Networks, Ivanhoe Mines etc. Dow Chemical et Yahoo en USA ont été les premiers à essuyer les reproches de l’ONG Amnesty International lors de leur assemblée générale annuelle. Les griefs notamment sur  des cas d’abus et de violations de certaines règles internationales relatives aux questions de l’environnement ou des droits de l’homme. De façon pratique, faire reconnaître à Dow Chemical sa responsabilité dans la pollution générée par l’explosion de l’usine de l’Union Carbide à Bhopal en Inde par Union Carbide en 1984 ; un drame ayant occasionné près de 15 000 morts.

Bien que Dow Chemical ne soit devenue actionnaire et propriétaire de Union Carbide qu’en 1991, Amnesty International tentera un retro sur cette question épineuse 23 ans plus tard pour attirer l’attention de l’opinion publique sur le manque de cohérence entre les valeurs prônées par l’entreprise et son passé. Dans la même perspective, il faut préciser que l’Association américaine de défense des animaux (PETA) a mis en œuvre la même stratégie d’acquisition de parts pour entrer au capital de grandes marques telles que Ralph Lauren, Burberry, Gucci, Yves-Saint-Laurent, etc. Cette politique de cheval de Troie a permis à l’ONG d’obtenir la possibilité de prise de parole lors des assemblées générales de ces entreprises afin de faire passer ses valeurs. Il est utile de préciser que ces nouveaux leviers employés par ces ONG sont facilités par leur notoriété auprès du grand public ainsi que leur capacité à faire du tapage médiatique. Toutefois, bien que ces stratégies revêtent l’aspect revendicatif de valeurs sociales, elles ne sont pas moins de véritables guerres économiques qui pourraient facilement profiter à la concurrence.

La crise du covid-19 est-elle un nouveau nouveau champ d’action pour les ONG ?

Dans les retombées possibles de l’épidémie liée au covid-19, la question de la responsabilité de la Chine peut générer de nouvelles polémiques sur les failles de ce pays dans le domaine de la santé. De multiples sujets restent en suspens :

  • Les origines du virus et l’incapacité du régime communiste à y faire face.
  • Les défaillances récurrentes du modèle sanitaire chinois.
  • Les économies parallèles de contrefaçon de médicaments et de fabrication de faux-médicaments.
  • La question de la transplantation illégale d’organes (provenant de prisonniers dits de conscience qui n’ont pas donné l’autorisation pour ce prélèvement) est aussi un des sujets sensibles d’un débat initié depuis une vingtaine d’années dans certains pays anglo-saxons.

La tension croissante entre les Etats-Unis d’Amérique et la Chine peut accentuer la résonance de ces polémiques encore très peu relayées par la société civile européenne. La montée en puissance de ces débats « éthiques » peut mettre en difficulté des entreprises qui font un gros chiffre d’affaires avec la Chine. La déstabilisation de la firme américaine Nike mise en accusation à cause du travail pour enfants dans son réseau de sous-traitance, est un cas d’école qui peut se reproduire.  A titre d’exemple prévisible, des membres de la société civile peuvent demander à des firmes occidentales de prendre position sur le scandale de la pratique de la transplantation d’organes. Le silence, l’omission ou la fuite en avant ne seront pas des postures solides pour les directions de la communication de ces firmes qui devront justifier leur absence de prise de conscience à l’égard d’un tel crime devant l’opinion publique internationale.

Maddy Erlanger

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