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Interdiction de destruction d'espèces protégées : l'exploitation d'une carrière peut répondre à une "raison impérative d'intérêt public majeur" (Conseil d'Etat)

Publié le 08 juin 2020 par Arnaudgossement

Par une décision n°N° 425395 du 3 juin 2020, le Conseil d'Etat a jugé que l'exploitation d'une carrière peut, à certaines conditions très précises, répondre à une raison d'impératif majeur et, ainsi,

Résumé

I. Rappel : les conditions de dérogation à l'interdiction de principe de destruction d'espèces protégées

Le principe de l'interdiction de destruction d'espèces protégées. Pour mémoire, il convient tout d'abord de rappeler le principe selon lequel est interdite toute destruction d'espèces protégées ou de leurs habitats. L'article L.411-1 du code de l'environnement précise en effet :

"I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits:1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ;2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ;3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ;4° La destruction, l'altération ou la dégradation des sites d'intérêt géologique, notamment les cavités souterraines naturelles ou artificielles, ainsi que le prélèvement, la destruction ou la dégradation de fossiles, minéraux et concrétions présents sur ces sites ;

5° La pose de poteaux téléphoniques et de poteaux de filets paravalanches et anti-éboulement creux et non bouchés."

Les dérogations à l'interdiction de destruction d'espèces protégées. L'article L.411-2 du code de l'environnement précise quelles sont les conditions d'autorisation de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées.

"I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées :(... 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle :a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ;b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ;c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ;d) A des fins de recherche et d'éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ;e) Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d'une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d'un nombre limité et spécifié de certains spécimens."

Aux termes de ces dispositions, l'administration peut autoriser une dérogation à l'interdiction de destruction d'espèce protégée lors que les trois conditions distinctes et cumulatives suivantes sont remplies. Il convient de démontrer :

- l'absence de solution alternative satisfaisante,

- l'absence de nuisance pour le "maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle"

- la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs énumérés au nombre desquels figure " c) (...) l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou (pour) d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et (pour) des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ".

L'apport des décisions du Conseil d'Etat des 25 et 30 mai 2018

Par décisions n°413267 du 25 mai 2018 et n°405785 du 30 mai 2018, le Conseil d'Etat a apporté les précisions suivantes :

- Une "raison d'intérêt public majeur" ne peut pas justifier à elle seule la dérogation à l'interdiction de destruction (décision n°413267 du 25 mai 2018) ;

- Le juge des référés peut tenir compte d'un manquement passé du demandeur de l'autorisation de dérogation (décision n°413267 du 25 mai 2018) ;

- La délivrance d'une autorisation "loi sur l'eau" ne peut être subordonnée à la délivrance d'une autorisation de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèce protégée (décision n°405785 du 30 mai 2018).

I. L'apport de la décision du Conseil d'Etat du 3 juin 2020

"8. Il résulte de ces dispositions qu'un projet de travaux, d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leur habitat ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, tels que notamment le projet urbain dans lequel il s'inscrit, à une raison impérative d'intérêt public majeur. En présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle."

Arnaud Gossement

Avocat associé - cabinet Gossement Avocats

A lire également : - Interdiction de destruction d'espèces protégées : le Conseil d'Etat précise la notion de "raisons impératives d'intérêt public majeur"Note du 11 juin 2018 - Interdiction de destruction d'espèces protégées : le Conseil d'Etat précise les conditions de dérogation

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