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Suzanne Flon, la modestie et la tendresse d’une grand-tante

Publié le 13 juin 2020 par Sylvainrakotoarison

" Il faut demander à quelqu'un d'autre. Il faut demander mes qualités et mes défauts à mon entourage. Il n'y a pas de comédienne modeste. Quand on monte sur scène, c'est qu'on pense qu'on mérite d'être regardée. " (25 août 1999, sur France 2).
Suzanne Flon, la modestie et la tendresse d’une grand-tante
La comédienne Suzanne Flon, qui s'est éteinte il y a quinze ans, le 15 juin 2005, dans un hôpital parisien, à l'âge de 87 ans (elle est née le 28 janvier 1918 d'une famille modeste), répondait de sa voix assurée que la comédie était l'histoire de toute sa vie. Encore à 81 ans, elle allait sur les planches, à partir du 31 août 1999, pour une pièce de Marguerite Duras ("L'Amante anglaise"). Elle aurait dû jouer à nouveau à partir du 22 septembre 2005, avec Isabelle Carré, au Théâtre de l'Atelier ("Savannah Bay" de Marguerite Duras). Elle avait aussi rêvé de jouer Racine, rêve non réalisé, un regret, parce qu'elle avait eu la vocation de comédienne en assistant, à l'âge de 14 ans, à une représentation d'une pièce de Racine, "Andromaque", à la Comédie-Française. Autre regret, ne pas avoir joué non plus dans une pièce de Marivaux.
À sa mort, "Libération" a écrit : " Elle s'en est allée avec son infinie délicatesse ourlée de discrétion (...), comme s'excusant pour le dérangement. Car cette grande dame sans tapage avait poussé l'art de la présence jusqu'à l'effacement. Elle entrait sur une scène ou dans un film avec une sorte d'évidence douce. " (Jean-Pierre Thibaudat). "Le Monde" a évoqué, quant à lui, " cette actrice d'une finesse naturelle " : " Il faudrait avoir le doigté d'une brodeuse de perles (...) pour parler e la délicatesse de la comédienne (...). Suzanne Flon a disparu, comme elle aimait à le faire au cours de longues marches solitaires dans la forêt de Fontainebleau, où elle avait une maison. " (Brigitte Salino).
Pour moi, c'était une grand-tante, une grand-tante formidable, telle que je l'ai toujours conçue, à la fois gentille et déterminée, modeste et volontaire. Classique et moderne. Femme d'une finesse mémorable, la voix très reconnaissable, à la fois grave et douce, comme si le spectateur la connaissait depuis toujours. Comme si on pouvait se l'approprier sans pour autant la voler aux autres. Et comme tout membre de sa famille, elle n'avait pas d'âge. Jeune, entre-deux-âges, âgée, elle était pareille à elle-même, jeune de cœur, une spontanéité bridée par une réserve d'une autre époque.
Suzanne Flon, la modestie et la tendresse d’une grand-tante
La "profession" lui a largement donné les honneurs. Elle savait que ce n'était pas l'essentiel, mais cela faisait toujours plaisir d'être honorée de son vivant et de ne pas attendre le cimetière pour ce genre d'émerveillement. Notamment deux Césars et deux Molière (plus trois nominations), qui ne lui sont évidemment pas montés à la tête. Le conseil municipal du Kremlin-Bicêtre, sa ville natale, lui a également fait l'honneur, lors de sa séance du 8 février 2018, de baptiser à son nom l'une de ses nouvelles rues, à l'occasion du centenaire de sa naissance.
Probablement la meilleure appréciation qu'elle a pu entendre, c'était celle de Jean Anouilh, né il y a cent dix ans, dont elle a joué plusieurs pièces (notamment à ses débuts, "Antigone", mise en scène par André Barsacq, en 1944, et aussi "L'Alouette", créée le 14 octobre 1953 avec Michel Bouquet) : " La Flon, comme la Piaf, comme Raimu, c'est n'importe qui sublimé par le talent, c'est pour cela qu'elle est grande. ". L'évocation de la chanteuse Édith Piaf n'était pas anodine, parce que Suzanne Flon a bossé pour elle lorsqu'elle avait une vingtaine d'années pour l'aider administrativement et c'était par son agent que la future comédienne a trouvé ses premiers rôles. Françoise Giroud a fait aussi partie de ces nombreux "prescripteurs culturels" à l'avoir adorée.
Incontestablement, c'était le théâtre qui l'enchantait et l'épanouissait. Et même octogénaire, elle parvenait encore à apprendre ses textes, ce qui, déjà en situation de jeune adulte en pleine santé, n'est pas forcément facile. Mais c'est par le cinéma qu'elle s'est fait connaître, évidemment, car on touche beaucoup plus de personnes, le public des théâtres est peu nombreux par rapport aux salles de cinéma.
Sa "carrière" tant au cinéma qu'au théâtre, est très impressionnante où qualité se déclinait avec quantité. Avec un nombre impressionnant de grands réalisateurs (John Huston, Orson Welles, Claude Autant-Lara, Henri Verneuil, Roger Vadim, Bertrand Blier, Jean Delannoy, Frédéric Rossif, Robert Enrico, Gilles Grangier, Jean-Claude Brialy, Claude Pinoteau, Jean Becker, Pierre Granier-Deferre, Claude Chabrol, etc.). et de grands metteurs en scène (André Barsacq, Jean Anouilh, André Roussin, René Clair, Jean Le Poulain, Pierre Mondy, Roger Planchon, Georges Wilson, François Périer, etc.). Elle a aussi "essayé" la télévision (notamment avec Claude Santelli), une dizaine de productions, dont "Le dialogue des Carmélites" d'après l'œuvre de Georges Bernanos, réalisé par Pierre Cardinal.
De ses nombreuses prestations cinématographiques, on peut citer "Tu ne tueras point" (1961) de Claude Autant-Lara, "Monsieur Klein" (1976) de Joseph Losey (la concierge d'Alain Delon), "L'Été meurtrier" (1983) de Jean Becker (la tante d'Isabelle Adjani), "Effroyables jardins" (2003) de Jean Becker, "La Fleur du mal" (2003) de Claude Chabrol et "Fauteuils d'orchestre" (2006) de Danièle Thompson (la grand-mère de Cécile de France), son dernier film, qu'elle avait fini de tourner une vingtaine de jours avant sa mort.
Je propose ici deux autres films qui l'ont amenée (entre autres) à donner la réplique à Jean Gabin, en tant que son épouse (dans les deux films). Ce n'était peut-être pas facile pour cette discrète de se coltiner un cabotin en chef, parfois un peu usé dans ses vieux airs d'avoir déjà vécu. Suzanne Flon redonnait justement de la vie et de la fraîcheur à ce jeu prévisible de l'ancien héros du "Quai des brumes" (1938) de Marcel Carné et de "La Bête humaine" (1938) de Jean Renoir. Ainsi que deux autres prestations de Suzanne-la-sublime, celle qui rendrait lesbiens les plus misogynes des machistes !
1. Film "Un singe en hiver" d'Henri Verneuil (sorti le 11 mai 1962)
2. Film "Sous le signe du taureau" de Gilles Grangier (sorti le 28 mars 1969)
3. Lecture de Marguerite Yourcenar ("La Veuve Aphrosia") le 4 septembre 1985 sur France Culture
4. Interview du 25 août 1999 sur France 2 (par Claude Sérillon)
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (13 juin 2020)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Suzanne Flon.
Michel Piccoli.
Jacques François.
Alfred Hitchcock.
Brigitte Bardot.
Charlie Chaplin.
Suzanne Flon, la modestie et la tendresse d’une grand-tante
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200615-suzanne-flon.html
https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/suzanne-flon-la-modestie-et-la-225114
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/06/10/38361281.html


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