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Fabien Vilrus : La Kaz

Publié le 08 août 2020 par Aicasc @aica_sc

 « La Kaz »

 Fabien VILRUS, photographe accompagné du designer de mode Nicolas GUICHARD

Commissaire Juan Corrales

 Galerie Balice Hertling 47, rue Ramponneau – 75018 Paris

Du 26 juin au 01 août 2020

 

 La Kaz

L’exposition « La Kaz »,dont le commissaire est Juan Corrales, s’est tenue à la galerie Balice Hertling (47, rue Ramponneau, Paris 75018),du 26 juin au 01 août 2020. Pour la première fois, le public parisien a pu découvrir le travail photographique du jeune réunionnais Fabien Vilrus, accompagné du designer de mode Nicolas Guichard.

Pour sa première exposition à Paris, Fabien Vilrus dévoile une vingtaine d’œuvres au tirage unique, développées en chambre noire par l’artiste lui-même, et dont certaines ont même été subtilement retouchées à la peinture.

Un premier ensemble s’attache à présenter un type singulier d’habitat local, la « kaz » (« maison » en créole réunionnais).

Loin des maisons cossues qui existent également sur l’île de la Réunion, les « kaz » sont construites exclusivement à l’aide de tôles ondulées. Qu’elles soient lieux d’habitation (série Kaz n°1 à n°8) ou cabanes de pêcheur (FishermanShack), Fabien Vilrus les photographie sans protocole de prise de vue particulier et sans grand contraste chromatique. Il les présente telles qu’elles sont, des constructions sommaires mais portant « dignes » les cicatrices couleur rouille du climat tropical. Les peintures écaillées sur certaines structures parlent aussi du temps qui passe. Et qui laisse sa trace. Pas  âme qui vive aux alentours de ces maisons anonymes aux portes et fenêtres closes, et pourtant une certaine humanité s’en dégage.

Fabien Vilrus : La Kaz

VILRUS Fabien_Kaz n°2 (Salazie, Réunion), 2019 _ hand-printed c-print, 30 x 40 cm

Fabien Vilrus : La Kaz

VILRUS Fabien_Kaz n°5 (Salazie, Réunion), 2019 _ hand-printed c-print, 30 x 40 cm

Fabien Vilrus : La Kaz

VILRUS Fabien_Kaz n°8 (Salazie, Réunion), 2019 _ hand-printed c-print, 30 x 40 cm

L’artiste ne cherche pas à dénoncer la grande pauvreté qui existe à la Réunion. Il témoigne de l’existence contemporaine de ces constructions qui font partie de l’identité architecturale de son île natale. Les « kaz » de Fabien Vilrus sont les « sculptures anonymes » (*1) du paysage traditionnel réunionnais, au même titre que les châteaux-d’eau, hauts-fourneaux et autres bâtiments industriels que les artistes allemands Bernd et Hilla Becher ont photographiés toute leur vie, en Europe et aux Etats-Unis.

Pour combien de temps encore ? On devine aisément une certaine urgence à les photographier pour éviter qu’elles ne disparaissent des mémoires lorsqu’elles auront disparu du paysage, remplacées à plus ou moins long terme par des maisons modernes « en dur ». La photographie est ici un outil neutre de mémoire chez le jeune artiste.

Fabien Vilrus : La Kaz

VILRUS Fabien_Fisherman Shack n°1 (Riviere Desroches, Réunion), 2019 _ hand-printed c-print, 30 x 40 cm

Fabien Vilrus : La Kaz

_VILRUS Fabien_Fisherman Shack n°3 (Riviere Desroches, Réunion), 2019 _ hand-printed c-print, 30 x 40 cm

Un deuxième ensemble d’œuvres s’intéressent à la jeunesse réunionnaise.

Les cadrages et mises en scène sont ici minutieux, et les contrastes de couleurs, d’ombre et de clarté, saisissants. Par ce biais, Fabien Vilrus réussit à nous plonger dans l’intimité d’une jeunesse « épicée », entre rêve et réalité.

Fabien Vilrus : La Kaz

VILRUS Fabien_Father and Son (Saint-Paul, Réunion), 2019 _ hand-printed c-print, 80 x 100 cm

Fabien Vilrus : La Kaz

VILRUS Fabien_Lorrie in her Bedroom (L’Etang, Réunion), 2019 _ hand-printed c-print, 80 x 100 cm

Par ailleurs, l’artiste réussit à prendre la mesure d’un temps qui semble s’écouler au ralenti : un jeune père impassible fume un joint, indifférent à la présence de son fils qui s’amuse à ses côtés (Father and Son); le temps est suspendu dans la chambre rose bonbon de Lorrie, qui s’ennuie sur son lit (Lorrie in her Bedroom) ; au bord d’une rivière, dos à l’objectif, un amant se repose assis sur un rocher (The Lover); une jeune fille patiente avant d’aller à une soirée (Before the Dancehall Party) quand d’autres adolescentes sexy s’observent, ou se toisent, dans la chaleur d’une après-midi (Maureen ; Snack Bar)…

Fabien Vilrus : La Kaz

VILRUS Fabien_The Lover (Grande Fontaine, Réunion), 2019 _ hand-printed c-print, 80 x 100 cm

Fabien Vilrus : La Kaz

_VILRUS Fabien_Before The Dancehall party (Front de Mer Saint-Paul, Réunion), 2019 _ hand-printed c-print, 50 x 60 cm

Fabien Vilrus : La Kaz

VILRUS Fabien_Maureen (Allee Cocos, Réunion), 2019 _ hand-printed c-print, 50 x 60 cm

Fabien Vilrus : La Kaz

VILRUS Fabien_Snack Bar (Savannah, Réunion), 2019 _ hand-printed c-print, 50 x 60 cm

Pour cette série d’œuvres, Fabien Vilrus a collaboré avec le designer de mode Nicolas Guichard, lui-même originaire de l’île de la Réunion. Cette collaboration est intéressante car elle souligne une des caractéristiques de l’évolution de l’art contemporain : le mélange et interconnexion de différents domaines de la création. Les artistes ne s’enferment plus dans la tour d’ivoire de leur discipline. Ils collaborent et mettent en commun leur spécialité. La création contemporaine réunit de plus en plus tous types d’artistes, plasticiens, musiciens, photographes, danseurs, designers, vidéastes… tous liés dans la production interconnectée d’une œuvre commune. On parle de cross-over pour décrire ce phénomène (générationnel ?) qui s’amplifie, aidé par une circulation et un échange des informations de plus en plus rapide.

L’exposition « La Kaz » aura sans doute une saveur un peu exotique pour les spectateurs parisiens. Cependant, on est loin de la beauté conventionnelle que l’on retrouve dans les clichés touristiques. En effet, armé de son appareil photo analogique, Fabien Vilrus ne fait pas la promotion de son île natale. Qu’il saisisse le paysage sur le vif, comme pour la série des « Kaz » et « Fisherman Shack », ou qu’il le fabrique par une mise en scène élaborée, voire théâtrale, l’artiste souligne toujours avec une grande sincérité la complexité de l’identité architecturale et humaine de son île natale.

Frédéric Guilbaud

1* « sculptures anonymes », titre du premier ouvrage publié en 1970 par les artistes Bernd et Hilla Becher


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