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Larmes d'ouverture

Publié le 11 août 2020 par Eric Acouphene
Ajahn Chah, le maître de Jack Kornfield, un bouddhiste dans la lignée du Theravâda, dit « qu’il y a deux sortes de souffrance : la souffrance qui conduit à encore plus de souffrance et la souffrance qui conduit à la fin de la souffrance. » On pourrait consacrer un chapitre sinon un livre entier sur ce thème... 
Larmes d'ouverturePour évoquer cet abîme entre les deux façons de souffrir, je reviendrai une fois de plus aux larmes. On pleure dans toutes sortes de circonstances, quand on épluche des oignons, quand on est profondément joyeux, quand on est frustrés parce que les choses ne fonctionnent pas comme on le souhaite et quand on réalise notre complète impuissance à les changer. 

Au stade de la frustration, on cherche encore à modifier l’environnement et on est toujours dans le refus et la résistance. Lorsque les larmes deviennent des larmes d’impuissance, on cesse d’essayer de changer les choses. On sent très nettement la différence. Des chercheurs étudiant les larmes ont découvert que leur composition varie radicalement selon le type de pleurs. Les larmes d’impuissance sont très différentes de toutes les autres : elles sont saturées de toxines au point où, réduites à l’état de poudre, elles pourraient tuer un petit rongeur ! Cela explique d’ailleurs pourquoi, lorsque nous sommes confrontés à des circonstances difficiles, nous nous sentons si allégés après avoir pleuré. Souvent, après une crise de pleurs déchirants devant leur propre impuissance, j’ai vu avec stupéfaction mes enfants reprendre le cours de leur journée en chantonnant, plus créatifs et joyeux que jamais. 

Si j’ai pris l’image des larmes, je ne voudrais pas laisser entendre que le processus du surrender implique systématiquement que nous pleurions : pas du tout ! Mais il s’agit bien de se laisser affecter, y compris par les plus petites choses de l’existence, d’éroder ainsi peu à peu l’armure sous laquelle nous nous protégeons, payant un terrible prix pour cette pseudo-sécurité : elle nous prive de la souplesse et de la spontanéité, étouffant notre vitalité et notre joie intrinsèques.

Sophie Edelmann "Dites-leur de viser haut !" Ed. Le relié
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