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Luis Cernuda – Laisse-moi cette voix

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Luis Cernuda – Laisse-moi cette voixLaisse-moi cette voix qui est mienne,
De même qu’on laisse à la pampa
Ses buissons de désir,
Ses fleuves secs qui pendent des rochers.

Laisse-moi vivre comme une épée rouillée
Sans poignée, sur un lit de nuages ;
Je ne veux rien savoir de la gloire envieuse,
De sa queue, de ses cornes de cendres.

J’avais un anneau de lune
Allongée dans la nuit au début de l’automne ;
Je l’ai donné à un mendiant
Si jeune que ses yeux étaient deux lacs.

Mes amis, je m’y noyai ;
Là je dors où jamais je ne m’éveille.
Qu’il est triste que je ne sache rien de moi ;
Donne la guitare pour y mettre mes larmes.

*

Déjame esta voz

Déjame esta voz que tengo
lo mismo que a la pampa le dejan
sus matorrales de deseo
sus ríos secos colgando de las piedras.

Déjame vivir como acero mohoso
sin puño tirado en las nubes
no quiero saber de la gloria envidiosa
con rabo y cuernos de ceniza.

Un anillo tuve de luna
tendida en la noche a comienzos de otoño
lo di a un mendigo tan joven
que sus ojos parecían dos lagos.

Me ahogué en fin amigos
ahora duermo donde nunca despierte
no saber más de mí mismo es algo triste
dame la guitarra para guardar las lágrimas.

***

Luis Cernuda (1902-1963)Los placeres prohibidos (1931) – Les plaisirs interdits (Presses Sorbonne Nouvelle, 2010) – Traduit de l’espagnol par Françoise Étienvre, Serge Salaün, Zoraida Carandell, Laurie-Anne Laget.


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