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Vers une nouvelle vague de désindustrialisation ?

Publié le 27 septembre 2020 par Albert @albertRicchi
Vers une nouvelle vague de désindustrialisation ?

Al ors que le gouvernement français vient de présenter définitivement son plan de relance " France Relance ", de 100 milliards d'euros, son contenu et son ampleur n'apparaissent pas à la hauteur des enjeux auxquels la France est confrontée.

cé depuis de nombreux mois, intègre à la fois des crédits, garanties, dotations, en réalité pour beaucoup déjà alloués, et qui pour d'autres prendront de longs mois avant d'interveni Et tandis que l'idée-même de planifier semblait jusqu'alors irrecevable pour Emmanuel Macron, voici que le nouveau premier ministre Jean Castex annonce la résurrection d'un vieil outil de prospection et d'action publique de l'après-guerre, le Commissariat au Plan. François Bayrou a été nommé à sa tête en tant que Haut-Commissaire mais cette annonce intervient sans réelles explications sur le contenu de la mission du Commissariat ni sur les moyens qui l Dès lors, assistons-t-on réellement au retour d'un État plus stratège ou bien à une simple annonce Anaïs Voy-Gillis, docteur en géographie économique de l'Institut français de géopolitique et auteur d'une thèse sur la réindustrialisation française apporte un certain nombre d'éléments de réponses... Anaïs Voy-Gillis - Je dirais que la situation est nuancée. Il a été un des seuls défenseurs de l'industrie et un des rares politiques qui en a fait un élément central de son programme politique. Rares étaient les personnalités politiques que l'on entendait à ce moment-là sur la question et qui faisaient de l'industrie un élément central de leur projet politique et de leur vision de société, à part peut-être Jean-Pierre Chevènement il y a plus longtemps. Une fois qu'Arnaud Montebourg a quitté le gouvernement, et que le soufflé est retombé, plus personne n'avait envie de reproduire l'épisode de la photo avec une marinière. Pourtant, il y a quand même eu quelques mouvements entre Chevènement et Montebourg. La question de l'industrie est revenue progressivement sur le devant de la scène avec la crise financière de 2008 qui a été un premier électrochoc. Elle a questionné la dépendance de la France, la façon de recréer de la valeur en France, et le fait que le modèle d'une économie post-industrielle n'avait pas apporté la prospérité espérée. S'en sont suivis les États généraux sur l'industrie en 2009, puis le rapport Gallois qui a émis un cri d'alerte. Ce rapport a provoqué une première prise de conscience qui a abouti à la mise en place du CICE. keting d'un État sans solutions pour reconstruire industriellement et écologiquement notre pays ? LVSL - Selon vous, peut-on faire un lien entre les dynamiques de désindustrialisation de notre pays et les politiques de décentralisation menées par des gouvernements autant de gauche que de droite, et ayant conduit à une concurrence exacerbée des territoires (entre métropoles, entre régions, etc.) et donc à des déséquilibres ?

LVSL - Dans votre récent entretien donné à Me diacités, vous parlez de l'arrivée en 2012 d'Arnaud Montebourg au ministère du Redressement productif comme le " vrai réveil " d'une conscience de l'utilité d'avoir une forte base industrielle en France. Arnaud Montebourg a alors lancé 34 plans industriels et des politiques de relocalisation dans certaines filières. Huit ans après, pour vous, ce réveil a-t-il véritablement provoqué un sursaut politique en France sur l'impératif de développement industriel ou bien le passage d e ce ministre fut-il un épisode sans réelle continuité ?

LVSL - Quand vous dites que l'on est dans un État relativement décentralisé, mais qui n'a plu les moyens de son action, est ce que vous attribuez cela au retrait des forces et des compétences humaines octroyées aux services déconcentrés, aux échelles territoriales, et qui autrefois, accompagnaient davantage la gouvernance des territoires ? LVSL - Comment le retour d'un État plus stratège, dont il est question aujourd'hui, permettrait-il d'arranger les iniquités territoriales et de résoudre ces déserts industriels et de service ? En somme, quel regard portez-vous sur le retour du Commissariat général au Plan qui vient d'être annoncé, et plus globalement sur le débat sur la planification en France ? A V-G - Il y a un sujet de refondation d'un certain nombre de traités européens et c'est un chantier complexe sur lequel il est presque impossible de s'entendre sur des changements d'ampleur. Il faut néanmoins conserver une forme d'optimisme car cette crise a montré qu'on était parfois capable d'aller vite. Donc restons optimiste, tout en conservant une grande lucidité sur notre situation.

Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l'Industrie, a été l'une des premières à s'engager fortement auprès de l'industrie avec une volonté réelle de voir le tissu industriel français renaître. Elle avait notamment engagé le programme " Territoire d'industrie ", qui peut être critiqué sur certains points, mais qui a été un premier pas. Par la suite, il y a le sommet " Choose France " qui devait précéder l'annonce du pacte productif. L'exposition des produits fabriqués en France à l'Élysée en janvier 2020 est également un événement marquant car c'était symboliquement le moyen de remettre l'industrie au sein des lieux de pouvoir.

Malgré cela, nous peinons toujours à avoir une stratégie industrielle en France. Nous voulons de l'industrie, mais sans savoir pourquoi, ni même au service de quel projet de société, avec toutes les questions que cela peut sous-entendre. Nous ne pourrons pas être indépendants sur l'ensemble d'une chaîne de valeurs donc il faut à la fois réfléchir sur les points de la chaîne de valeurs où nous pouvons être compétitifs et ceux dans lesquels la situation de dépendance peut nous être préjudiciable. Pour cela, il faut raisonner sur la chaîne de valeurs de bout en bout en intégrant également d'autres éléments comme l'impact environnemental. Par exemple, si l'on prend la chaîne de valeurs pour produire une éolienne (de la production des matériaux solaires au recyclage en passant par son installation), on se rend compte que l'impact environnemental pour produire une énergie dite " verte " n'est pas neutre, loin de là. De la même manière, si je raisonne en termes de souveraineté et d'indépendance, quand je veux produire des batteries électriques, j'ai besoin de composants initiaux pour lesquels nous resterons en situation de dépendance, notamment à l'égard de la Chine. Nous savons pourtant que la Chine a une capacité de chantage à l'implantation de sites. Il nous faut donc avoir une réflexion globale sur les chaînes de valeurs en intégrant non seulement des questions de coûts mais également des questions d'impacts environnementaux ou encore de risques géopolitiques.

Cependant, je ne sais pas si la décentralisation est une cause directe de la désindustrialisation. C'est certainement plus complexe et cela exige d'étudier la manière dont un pays s'institue entre déconcentration et décentralisation et s'organise politiquement en fonction de ces critères. Le problème est qu'aujourd'hui, nous avons un État qui se veut très présent, mais un État qui ne se donne plus les moyens de son action publique - tout en ne donnant pas non plus les moyens aux régions d'avoir une action publique forte et un pouvoir économique suffisant. Cet entre-deux sclérose l'action. Il est vrai qu'avec le plan de relance, l'État semble vouloir se doter de nouveaux moyens, mais cela sera-t-il durable ? En outre, il ne faut pas oublier que ce sont les régions qui désormais pilotent le développement économique local, donc si l'État doit donner une impulsion et des moyens, c'est maintenant aux régions d'avoir un rôle opérationnel.

Merci à nos amis du Vent se lève Nicolas Vrignaud et Manon Milcent


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