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Ruthy Scetbon, la fée du placard aux balais

Publié le 24 octobre 2020 par Morduedetheatre @_MDT_
Ruthy Scetbon, la fée du placard aux balais

Critique de Perte, de Ruthy Scetbon et Mitch Riley, vu le 22 octobre 2020 à La Piccola Scala
Avec Ruthy Scetbon, mis en scène par Ruthy Scetbon et Mitch Riley

C’est chouette comme les choses arrivent. Il aurait pu y avoir plein de raisons pour lesquelles j’aurais manqué ce spectacle. Si Ronan au Théâtre ne me l’avait pas proposé, d’abord, pour me faire sortir un peu de ma zone de confort théâtrale et me faire découvrir de nouveaux univers – je le lui rendrai bientôt. Si le même Ronan ne l’avait pas lui-même fait connaître à la programmation de La Scala Paris, projetant ainsi la jeune comédienne sur une scène parisienne importante et facilitant aussi sa rencontre avec le public. Si ça n’avait pas été Dominique Racle qui défendait ce spectacle mais quelqu’un à qui je fais moins confiance. Bref, la vie est faite de rencontres, et ce sont celles-ci qui m’ont amenée là, pour voir un spectacle qui, plus qu’un autre, se base sur la rencontre d’un personnage et de ses spectateurs.

Je ne savais pas ce que j’allais voir. On m’avait vaguement mentionné un clown, j’avais rapidement regardé quelques secondes du teaser du spectacle, j’en avais déduit que c’était un clown avec un balai. Je suis pas très clown, de base, alors là j’avoue que j’étais perdue. Mais en fait pas du tout. Oublions l’histoire du clown. Le clown, c’est presque une excuse symbolique pour représenter un personnage borné dans l’univers collectif : le clown est là pour nous divertir, la femme de ménage est là pour nettoyer. Mais que se passe-t-il lorsque cette même femme de ménage habituée à l’oubli se retrouve sous les projecteurs ?

Je ne suis pas rentrée tout de suite dans le spectacle. Les rires ont fusé vite autour de moi, il m’a fallu un plus grand temps d’adaptation. Mais une fois que j’avais accepté le personnage et ce qui se jouait devant moi, impossible d’y résister. On est d’abord pris par la chouette performance de mime qui ouvre le spectacle car le début est quasiment muet, ou tout comme – les quelques mots lâchés sont voulus inintelligibles. Ce moment, où l’on découvre le personnage principalement à travers son corps, sa gestuelle, est vraiment très particulier. C’est probablement là que quelque chose se passe, que le lien entre le spectateur et la comédienne se crée. Dans son attitude, elle rappelle un bambin qui se cache et qui est à la fois heureux et gêné quand on le trouve si vite après avoir fait d’abord semblant de le cacher. C’est en tout cas ce que ses tortillements m’ont évoqué : l’enfant timide et gêné, celui qui a encore envie de se montrer et regrette rapidement son geste lorsque tous les regards se tournent vers lui. C’est absolument charmant.

Ruthy Scetbon, la fée du placard aux balais

Cette première approche du personnage est tellement réussie qu’on aimerait qu’elle s’éternise davantage. Mais on se rend compte que finalement, le spectacle ne perd rien quand le texte arrive. Les répliques sont, à l’instar de ce qui se joue devant nos yeux, inattendues, fines et poétiques. Je regarde ce personnage de femme de ménage et je ne peux m’empêcher de penser à une paillette. C’est elle qui astique mais c’est elle qui brille. Tout en discrétion, d’un éclat variable en fonction de la lumière afin de ne pas trop nous éblouir, elle est captivante sans jamais en faire trop. Elle attire le regard sans le chercher. Cette première partie m’a envoûtée.

Cette personne qui est face à nous, donc, c’est la femme de ménage du théâtre. Elle décide de nous montrer, de nous expliquer ce qu’elle fait ici : le nettoyage de la salle. Mais, dans cet acte banal, on sent une question de vie ou de mort. C’est comme si, soudain, le personnage était né sur ce plateau – tant qu’il y est, tant qu’il nous captive, tant qu’il se tient dans la lumière, il vit. C’est fait avec naïveté et sincérité, sans aucune prétention, et c’est probablement pour ça que ça fonctionne. Parce qu’au fond, ce qui se passe sur scène, on devrait s’en foutre – et pourtant on est comme fascinés.

Quand elle décide de nous montrer le coffre des objets trouvés, je dois dire que j’ai été très emballée. Pour moi, c’était une promesse de poésie. L’objet, l’ambiance, le personnage, tous les axes s’alignaient pour faire de ce moment un instant d’exception. J’en attendais peut-être trop ; en tout cas, j’ai été un peu déçue. Quelque chose se brise dans cette deuxième partie. Peut-être parce que la proposition devient soudainement plus attendue, peut-être parce que le changement de rythme m’a paru un peu fabriqué, peut-être parce que le personne prend trop son aise – je n’ai pas adhéré. L’univers du début m’avait transportée dans une sorte d’hypnose apaisante, soudainement interrompue par des cris inutiles et sonnant faux.

Difficile pour l’hypersensible que je suis de me raccrocher au navire qui vogue vers la troisième partie du spectacle. Et pourtant elle nous ramène, tout en douceur, près de l’univers qu’elle nous proposait en ouverture du spectacle. C’est doux comme un cocon. La fin est sans doute plus attendue que le reste de la pièce mais n’en reste pas moins ensorcelante. Les images et l’ambiance me resteront. Mais je suis peut-être passée un peu à côté de quelque chose dans le propos.

Ruthy Scetbon, un nom à suivre.

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