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Angola : la chute sans fin du clan dos Santos

Publié le 03 novembre 2020 par Tonton @supprimez

Depuis qu’ils ont quitté le pouvoir en 2017, José Eduardo dos Santos et sa famille font l’objet de nombreuses enquêtes et procédures judiciaires de par le monde, qui mettent à mal l’empire bâti en 38 ans à la tête de l’Angola et de ses précieuses ressources. Les révélations des « Luanda Leaks » démontrent l’implication de grands cabinets d’audit internationaux, ainsi que le rôle joué par certains hommes d’affaires occidentaux, dont le Suisse Yves Bouvier ou le Français Marc Francel et, dans la constitution et la consolidation de la fortune des dos Santos.

Un nouveau scandale financier éclabousse l’élite angolaise – jusque dans les montagnes suisses. A la fin du mois de juin dernier, l’Office fédéral de la justice (OFJ) helvète a reçu une demande d’assistance judiciaire de la part de l’Angola, concernant des accusations à l’encontre de l’homme d’affaires angolais-portugais Carlos Manuel de Sao Vicente. Celui-ci est sous le coup d’une enquête de la justice suisse pour blanchiment d’argent, le parquet de Genève ayant ordonné le gel de ses avoirs dans le pays, portant sur un montant de plus d’1,2 milliard d’euros. « Les autorités suisses sont prêtes à aider les autorités angolaises », a assuré en septembre la porte-parole de l’OFJ, Ingrid Ryser, à la suite d’une visite de la vice-ministre de la justice angolaise.

Carlos Manuel de Sao Vicente n’est pas tout à fait un justiciable comme les autres. Arrêté puis placé, à la fin du mois de septembre, en détention préventive dans la prison angolaise de Luanda, l’homme d’affaires est, à la ville, l’époux de l’une des filles de l’ancien président de l’Angola, José Eduardo dos Santos. De Sao Vicente fut notamment, pendant une partie du règne de son beau-père à la tête de l’Angola, à la tête d’un groupe d’assurances lié à Sonangol, la toute puissante compagnie pétrolière nationale de ce pays d’Afrique de l’ouest. Lors de son interrogatoire, le businessman « a produit de fortes indications de détournement de fonds », « d’abus de pouvoir », « de corruption » et de « trafic d’influence », selon le procureur général angolais, Alvaro Da Silva Joao.

  1. Autrefois tout puissant, le clan dos Santos aux abois

Le cas du gendre de l’ex-chef d’Etat angolais n’est pas isolé. Lorsqu’il était au pouvoir, dos Santos a fait profiter son cercle rapproché des immenses richesses issues des réserves pétrolières et minières du pays dont il avait la charge. Un népotisme bénéficiant à une petite élite, qui fait aujourd’hui l’objet, sous la présidence de son successeur, Joao Lourenço, d’une vaste campagne anti-corruption déstabilisant l’ancien clan aux affaires. Parmi ses cibles les plus emblématiques, Isabel dos Santos, autre fille de l’ex-président : longtemps qualifiée par les médias de « femme la plus riche d’Afrique », celle qui fut la patronne de Sonangol est soupçonnée par la justice angolaise d’avoir détourné et blanchi, grâce à de complexes montages financiers aux ramifications internationales, de colossales sommes d’argent provenant de fonds publics.

José Eduardo dos Santos est, lui aussi, dans le viseur de la justice angolaise. Joao Lourenço accuse son prédécesseur d’avoir fait perdre quelque 24 milliards de dollars à son pays, 13 milliards s’étant envolés par le seul biais de contrats passés avec Sonangol, la compagnie pétrolière alors dirigée par sa fille, et 5 milliards ayant été détournés via deux entreprises nationales spécialisées dans la production de diamants. On ignore pour l’heure si l’ancien président sera officiellement poursuivi en Angola, José Eduardo dos Santos s’étant enfui du pays pour trouver refuge à Barcelone, en Espagne. Sa fille, dont les avoirs aux Pays-Bas – après ceux domiciliés au Portugal et en Angola – viennent d’être gelés à la suite de l’ouverture d’une enquête pour détournement de fonds publics, est également en fuite.

  1. « Tout le monde voulait sa part du gâteau »

Si, tout en contemplant son empire s’effondrer, la famille dos Santos voit de plus en plus de pays lui fermer leurs portes, ses membres ne furent pas, du temps de leur splendeur, persona non grata au sein des grandes capitales et institutions financières mondiales. Bien au contraire : comme l’ont révélé les centaines de milliers de documents des « Luanda Leaks », une enquête menée par le Consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ) et une quarantaine de grands journaux, de nombreuses personnalités et entreprises occidentales ont directement participé à l’édification crapuleuse de l’empire familial, en se servant au passage. « Des sociétés européennes, portugaises pour nombre d’entre elles, ont largement contribué au système mis en place par Isabel dos Santos, analyse le professeur Jon Schubert. Tout le monde, y compris à l’étranger, voulait sa part du gâteau ».

A commencer par les moins recommandables des hommes d’affaires européens, comme l’ancien journaliste reconverti Marc Francelet, qui disposait de ses entrées auprès du clan de Santos et poursuit aujourd’hui l’un de ses anciens associés pour une sombre histoire de commissions détournées. Francelet, l’homme qui a également introduit en Angola le marchand d’art suisse Yves Bouvier qui, sur les conseils de son ami, aurait injecté une dizaine de millions d’euros dans divers projets angolais. Yves Bouvier, dont le nom est associé à une quantité impressionnante d’affaires liées à son activité principale d’intermédiaire en art, aurait également bénéficié, par l’entremise de l’une de ses sociétés, d’un versement de 240 000 euros de la part du président dos Santos – un retour d’ascenseur ?

Enfin, certains des plus prestigieux cabinets de conseil internationaux – PricewaterhouseCoopers, Boston Consulting Group, McKinsey, Accenture, pour ne citer que les plus réputés – auraient eux aussi permis à l’empire dos Santos de se renforcer, moyennant leurs services pour des millions de dollars, qui transitaient le plus souvent par des sociétés écrans dont ils affirment aujourd’hui n’avoir jamais eu connaissance. Décidément, l’ancien maître de l’Angola n’a pas fini d’entraîner ses alliés dans sa chute…


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