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Cheveux naturels, sur les traces d’un marché lucratif

Publié le 05 novembre 2020 par Tonton @supprimez

Ces produits humains qui étaient autrefois brûlés sont désormais collectés puis vendus aux enchères afin d’alimenter une industrie qui pèse aujourd’hui 10 à 15 milliards de dollars.

Il est 12h ce mercredi 04 novembre 2020, au marché Mokolo dans l’arrondissement de Yaoundé II. Le soleil est à son zénith. Des rabatteuses des mèches sont à pied d’œuvre. Elles sont installées des magasins des mèches, qui jouxte le supermarché Dovv. Dans ce marché populaire de la ville de Yaoundé, nous nous dirigeons dans la boutique d’un certain Papy Longchamp. Des bottes de cheveux raides, bruns ou blonds sont exposées. Mèches « brésiliennes », « indiennes », « cambodgiennes », « malaisiennes » et même « péruviennes », lit-on. Devant le comptoir, des billets jaillissent. Les clientes aux tissages impeccables semblent pressées de renflouer leur stock personnel. Dans cette boutique, Stéphanie Nono, une habituée des lieux est venue acheter une nouvelle perruque.

D’après les dires de la rabatteuse, elle achète la perruque en cheveux humains toutes les deux semaines, soit un budget de 500 000 Fcfa par mois. « Il peut m’arriver d’acheter le paquet de cheveux indiens de 26 à 28 pouces à 100 000 Fcfa. J’achète aussi des mèches très rares au prix de 50 000 Fcfa pour 6 à 8 pouces », marmotte-t-elle à son compagnon de fortune. Tout comme elle, Glwadys Konkeu, une jeune femme d’une vingtaine veut s’offrir des mèches brésiliennes à l’occasion de son mariage. « J’en veux des blondes pour changer de style, elles passent bien avec ma peau claire. Après le mariage, je repasserai au brun pour le travail. C’est plus discret », glisse-t-elle en froissant 15 billets de 10.000FCfa qu’elle s’apprête à
remettre au vendeur. « 80% des cheveux que nous vendons sont des cheveux « remy », purs et vierges, précise la rabatteuse. Il y a beaucoup des cheveux humains de contrefaçon en circulation au marché. Le problème est qu’il existe peu d’acteurs du marché ou d’entreprises qui soient capables d’importer des cheveux de très haute qualité au Cameroun », déplore-t-elle. Il faudrait que plus d’entrepreneurs prennent au sérieux la question de l’authenticité des cheveux humains en Afrique.

Sacrifice aux dieux

En Inde, depuis des siècles, des millions de fidèles hindous rasent leur chevelure, en guise de sacrifice aux dieux Shiva, Muragan ou Vishnu. En échange, ils espèrent obtenir une vie meilleure ou alors un miracle. Si, traditionnellement, ces cheveux étaient brûlés, ils sont désormais collectés puis généralement vendus aux enchères afin d’alimenter une industrie qui pèse aujourd’hui 10 à 15 milliards de dollars (8,5 à 12,8 milliards d’euros). C’est du moins le chiffre qu’avance George Benjamin Cherian, directeur général de Raj Hair International, l’une des nombreuses sociétés indiennes qui s’occupent de collecter les cheveux des temples. Hair Luxury achète des cheveux humains aux enchères à Tirupati et les faits ensuite traiter dans ses deux usines indiennes. Les extensions et produits finis (perruques, bandes de kératine, bandes de tissage, bandes adhésives, franges ou volumateurs) sont commercialisés en France.

Mais depuis, l’Inde, Hair Luxury exporte dans d’autres pays d’Europe, en Chine, aux États-Unis et au Brésil et en Afrique. Le plus grand temple fournissant l’industrie des cheveux humains est celui de Tirupati, lieu de pèlerinage situé dans l’État d’Andhra Pradesh. Entre 2011 et 2016, ce temple a amassé la somme de 97 millions de dollars grâce aux ventes de cheveux. Au cours de ces enchères, où les cheveux sont fourrés dans des sacs de jute, le prix varie entre 13000 FCfa et 26000Fcfa le kilo environ. Mais, d’une année à l’autre, le tarif peut varier de 15 %. « Le cheveu humain provient de toute l’Inde. Mais il y a deux types de cheveu. D’abord le cheveu “remy”, collecté dans quatre États du sud du pays : Tamil Nadu, Andhra Pradesh, Telangana et Karnataka. Et il y a le “non-remy”, soit le “cheveu de brossage”, que l’on trouve dans tout le pays », indique George Benjamin Cherian avant d’ajouter que l’industrie du cheveu humain existe depuis le début des années 1940.

Elvis Serge NSAA


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