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Names Of Shame : les néologismes de la honte

Publié le 07 novembre 2020 par Muzard


Names Of Shame : les néologismes de la honte
A quoi peut-on parfois reconnaître les Réunionnais ?
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Fin octobre, Jean-Luc Reichmann l'animateur du jeu télévisé, Les 12 Coups de Midi a essuyé un déferlement de critiques sur les réseaux sociaux, pour avoir posé cette question à un candidat. L'interrogation a été jugée raciste, car elle " essentialisait" les Réunionnais puisqu'elle les résumait à une seule caractéristique, en l'occurrence, le fait d'avoir un ongle long au petit doigt. Aucun rapport avec les Envahisseurs (private joke pour les fans de la Série Vintage), la question faisait référence à une tradition réunionnaise héritée de l'immigration chinoise[1].

Je dois avouer que bien qu'" Essentialiser" soit un terme buzzogène[2], je ne le connaissais pas. Il fait partie des Names Of Shame, c'est à dire des néologismes[3] qui désignent des pratiques "honteuses", considérées désormais comme inappropriées dans notre société.

La cancel culture, le validisme, la misandrie, l'agisme, le manterrupting, le woke washing, la transphobie, invisibiliser ...on en dénombre pas loin d'une cinquantaine.

Ces mots, sont à l'origine de plus en plus de bad buzz, comme en témoigne notre moisson quotidienne de polémiques sur la toile.

Si je vous propose de découvrir ensemble ces néologismes, c'est d'abord parce qu'ils peuvent ajouter du piquant dans nos dîners de confinés mais aussi parce-qu'ils réduisent le risque d'être confronté à un " shitstorm" (une vague de haines sur internet). En effet, que ce soit dans notre sphère personnelle, professionnelle ou sociale, nous ne sommes pas à l'abri d'actes ou de déclarations hautement buzzogènes et ce, en toute bonne foi. Ainsi quand on pense rendre hommage à une tradition africaine, on peut être accusé " d'appropriation culturelle". On peut aussi " invisibiliser" des personnes, pratiquer du " woke washing" ou participer à la " cancel culture" sans en être conscient. Pour éviter le risque d'être " cancelé" (que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi) mieux vaut maîtriser ces néologismes et les concepts sous-jacents.

Enfin et surtout, on aurait tort d'ignorer ces Names Of Shame sachant que nombre d'entre-eux annoncent des mutations profondes dans notre société. Dès lors qu'un comportement est baptisé, il peut espérer sortir de l'anonymat et des cercles militants radicaux avant de mobiliser progressivement les médias et le grand public.

En témoigne, l'expression " Harcèlement de rue" qui a commencé à faire son chemin sur Twitter et d'autres plateformes digitales ; poussée par des militantes féministes radicales désireuses d'alerter l'opinion sur ces actes d'incivilité. Ce Name Of Shame était à cette communauté, sur le web, ce que la banderole est aux manifestants dans la rue. Il a facilité le partage sur les réseaux sociaux, en son nom, les différentes mouvances féministes se sont rassemblées et pris la parole collectivement. Il leur a permis d'attirer l'attention de l'ensemble de la sphère féministe, des relais d'opinion avant d'intéresser plus largement les femmes et le grand public.

Le harcèlement de rue est un néologisme désormais couramment utilisé dans les grands médias et qui a réussi son entrée au parlement. Depuis 2018, il est considéré comme une infraction[4] et à ce titre, sanctionné par une amende.

Un parcours de combattant

Ceci étant comme toute innovation de rupture, avant de connaître le succès, un Name Of Shame commence en général par susciter des moqueries, puis génère de nombreux débats. Car s'il fédère les victimes de ces pratiques " toxiques ", il divise en même temps les citoyens ; puisqu'il s'attaque à des conduites largement répandues, et défendues au nom de la tradition parce qu'on agit comme cela depuis toujours !

Mais l'argument de la tradition et des habitudes a ses limites, c'est pourquoi le plus souvent, ces résistances font long feu. Sinon les femmes considérées comme des sorcières continueraient à être persécutées aujourd'hui, conformément à la tradition médiévale... et Gabriel Matzneff continuerait à être invité sur des plateaux télévisés, parce-ce qu'il y a 30 ans, un pédophile était considéré comme " une personne qui aime les enfants". Il aura fallu que la pédophilie prenne un sens plus négatif celui de "perversion sexuelle" pour attirer l'attention du grand public et de la justice.

Les Names Of Shame représentent des signaux précurseurs de l'évolution des sensibilités de notre société, à travers eux, on peut se projeter dans le Monde d'Après..., on peut avoir un aperçu de ce qui nous attend, nous et nos enfants, espérons que ce soit pour le meilleur !

Premier Name Of Shame à paraître sur mon blog prochainement : la cancel culture

[1] Pour les Chinois qui se sont installés sur l'île au 19 ième siècle, cet ongle long leur servait à récupérer la mèche de chanvre qui brûlait dans les lampes à huile, nombre de jeunes réunionnais ont repris cette tradition.

[2] Buzzogène : ce qui génère un bad buzz, c'est-à-dire une vague d'indignation sur les réseaux sociaux

[3] Des nouveaux mots ou expression ou des mots anciens prenant un nouveau sens

[4] Classé dans la catégorie " outrage sexiste "


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