Magazine Société

Macron, le méprisant calife

Publié le 28 novembre 2020 par Tonton @supprimez

La politique africaine de la France ? Un véritable salmigondis, entre morgue condescendante, basse compromission et ingérence comminatoire. À la tête du “client”.

Dans une récente sortie du président français accordée à Jeune Afrique, ce journal de son pays qui prétend être spécialiste du Continent, M. Macron s’est encore illustré dans la posture du type qui se considère vraiment comme le patron des chefs d’Etat africains.Dans cette interview, il ne s’embarrasse d’aucune précaution diplomatique. On peut donc en déduire que ce qu’il dit traduit exactement ce qu’il pense de nos présidents. Une fois de plus, Il leur fait la leçon, du haut de son “rôle” revendiqué, celui de puissance tutélaire. Cependant, il le fait avec des nuances fortes intéressantes.

Commençons par le plus répugnant : ses affirmations concernant le Cameroun. Il répond à une question de J. A, par ailleurs bien convenue: “Le conflit se poursuit dans les régions anglophones, et l’opposition est régulièrement réprimée-Maurice Kamto en fait notamment les frais-, que peut faire la France ?”. Au lieu d’admettre en toute honnêteté ne pas vraiment maîtriser la situation dans notre pays, ou même de trouver les bons mots pour dire: “La France n’a rien à faire là-bas, le Cameroun est un pays souverain”, etc., ne voilà t-il pas que M. Macron se lance plutôt dans une tirade aux accents de maître d’école ! “J’invite le président Biya à effectuer des gestes d’ouverture. Lui aussi doit préparer le renouvellement et pacifier son pays”.

Le premier réflexe à cette énième déclaration comminatoirequi cache à peine le mépris envers Paul Biya est naturellement : “Pour qui se prend ce monsieur ”?. Pour fustiger à juste titre le mauvais toupet qu’il à de s’adresser à un homologue étranger comme s’il parlait à un sous-préfet de chez lui. Avec en background l’idée que s’il osait parler sur ce ton de certains pays moins conciliants, il en prendrait pour son grade, et on lui clouerait le bec illico presto ! Diplomatiquement ou non !

Condescendances

Mais au-delà, et plus sérieusement, on constate qu’il reprend à son compte les mêmes clichés concernant le Cameroun et abondamment propagés par certains contempteurs invétérés : ceux d’un pays calcifié par une dictature bornée et en attente frénétique d’un libérateur, englué en plus dans une guerre civile dont le président devrait décréter la fin. Balivernes de basse propagande, bien sûr. Mais on est une fois de plus édifiés quant à la position du Français sur nos affaires : entre aveuglement volontaire et mauvaise foi manifeste, comme d’habitude.

Il a même poussé le bouchon trop loin, en osant nous dire ce que le Président Biya doit faire dans le cas de Boko Haram: “Il faut qu’il réengage au maximum son pays dans la lutte contre le terrorisme, aux côtés du Nigéria et surtout du Tchad, qui porte beaucoup de la charge, parfois seul”.
Quand on connaît l’engagement quotidien de notre Armée contre ces terroristes dans l’Extrême-Nord, cette saillie est une véritable insulte non seulement au Cameroun, mais aussi à nos vaillants soldats tombés au champ d’honneur, et donc pour qui le sacrifice suprême, dans les collines, les villages du Mayo-Tsanaga et aux abords du Lac Tchad, n’est pas qu’un mot. Le ouï-dire des opposants, c’est bien. Mais il faut penser à vérifier quand même avant de se lancer, n’est-ce pas ? Sinon c’est parler pour ne rien dire. Et c’est assez problématique pour le président d’un grand (?) pays. Dans un autre registre mais toujours dans la même interview, Emmanuel Macron dévoile l’autre face oblique et glauque de la politique française en Afrique: celle d’un “deux poids-deux mesures” sans vergogne.

Appelé à commenter les récentes élections présidentielles en Côte d’Ivoire et en Guinée, il adoube Ouattara mais voue aux gémonies Alpha Condé, alors que les deux présidents élus ont accédé à un troisième mandat que leur interdisaient normalement les constitutions de leurs pays respectifs.
C’est-à-dire que, techniquement, ils ont choisi le même mode opératoire. Or, quand M. Macron évoque Conakry, c’est dans le registre emphatique habituel réservé aux présidents qu’il n’aime pas: “Je pense que la situation est grave en Guinée, pour sa jeunesse, pour sa vitalité démocratique (pour ce que ça peut bien vouloir dire !), pour son avancée (sic)“. Et pour dire tout le mal qu’il pense d’Alpha Condé, il l’accuse carrément d’avoir manigancé pour demeurer président : “D’évidence (laquelle ?), il a organiséun référendum et un changement de constitution pour garder le pouvoir”. Ah bon ? Comment peut-il affirmer une chose pareille avec une telle certitude ? Condé est ici fondé à porter plainte pour diffamation et autres motifs, si on veut rigoler.

Le premier “Frenchie” finit même par l’allusion ridicule au fait qu’il “ne lui a pas encore adressé sa lettre de félicitations”, comme si cet acte de routine venant d’un chef d’Etat étranger invalidait les élections ; ou même s’il avait une quelconque importance pour le peuple de Guinée qui a fait son choix en connaissance de cause malgré les pressions de Paris. Tout cela est grave, et certaines nations aussi bafouées n’auraient pas hésité à revoir leurs relations diplomatiques devant tant d’ingérence méprisante.

Parti-pris

Mais quand c’est le cas du président de Côte d’Ivoire, c’est simplement “Tout va bien Madame la Marquise ! le président de la France est tout miel: “Je pense qu’Alassane Ouattara s’est présenté par devoir”. Au contraire de l’affreux Guinéen, bien entendu ! C’est beau l’amitié. Mais ça peut parfois aussi amener à être malhonnête. On peut en outre faire remarquer que le Français pousse son penchant pour Alassane jusqu’à déclarer un de ses adversaires les plus acharnés, en l’occurrence Guillaume Soro, persona non grata en France. Et là aussi, on est effaré : “Autant nous pouvons accueillir des combattants de la liberté et toute personne qui serait menacée chez elle, autant nous n’avons pas vocation à protéger des activistes qui cherchent à déstabiliser un pays”.

Franchement, un niveau de double standard pareil mérite qu’on lui tire le chapeau ! Ici encore, le “deux poids-deux mesures“ est assourdissant : les activistes de la Bas-Mrc qui saccagent notre ambassade parisienne, et à qui il donne des audiences publiques pour avoir l’occasion de vilipender notre pays, ne sont-ils pas dans une logique affirmée de déstabilisation du Cameroun ? Son «ami» et interlocuteur Calibro Calibri serait donc un gentil “combattant de la liberté“ “persécuté au Cameroun, où il n’est connu de personne, n’est-cepas? M. Macron se moque du monde, c’est tout. Et c’est pathétique.

En tout cas, le président français a illustré ce que beaucoup subodorent depuis toujours : que les intérêts de son pays passent avant toute considération politique ou diplomatique normale. Le pot aux roses étant ainsi découvert, l’idéal serait peut-être que les Africains demandent une fois pour toutes à la France de s’occuper enfin de ses affaires, et de leur “foutre la paix” comme disent les Parigots. Et on pourrait commencer par nos hommes politiques: que ceux-ci arrêtent définitivement de prêter attention à ce que ces “Blancs” pensent d’eux: c’est au constat de cette mentalité d’éternels subordonnés qu’une moyenne puissance comme la France peut continuer à jouer aux matamores quand il s’agit de nous, forte par conséquent d’un complexe de supériorité que nous alimentons nous-mêmes. Par exemple, que certains “présidentiables” potentiels ou auto-proclamés cessent de croire que l’onction ou la bénédiction de Paris valent encore quelque chose ici, s’ils prennent leurs ambitions un peu au sérieux. C’est fini, la Françafrique de papa !

Clément Essiane


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Tonton Voir son profil
Voir son blog

Magazine