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Le mammouth et le virus, d'Eugène

Publié le 05 décembre 2020 par Francisrichard @francisrichard
Le mammouth et le virus, d'Eugène

Le mammouth et le virus est le journal de confinement d'Eugène, enfin du premier confinement national de l'année 2020 en Suisse. Car, un confinement, c'est comme les trains, ça peut en cacher un autre...

En fait ce journal commence le 12 mars et se termine début mai, c'est-à-dire un peu avant et un peu après le confinement, qui aura eu pour conséquence ce qu'il appelle un changement de société.

Ce changement, il n'aura fallu que trois quarts d'heure pour l'opérer, le 16 mars 2020, le temps d'une conférence de presse du gouvernement

Eugène avait en quelque sorte pris les devants. Car le 12 mars 2020 ils s'étaient installés lui, sa femme (tous deux privés de travail) et leur fils de trois ans et demi, dans le chalet que possède la marraine de ce dernier, à Hérémence, en Valais.

Dans ce journal, Eugène raconte la peur: le 17 mars, le temps d'un aller-retour à Lausanne, il ne veut pas rencontrer sa mère chez elle et la retrouve dans le jardin, chacun assis à une extrémité du banc:

Au bout d'une demi-heure, ma mère et moi nous nous disons au revoir sans nous toucher. Nos regards sont remplis de tendresse et d'inquiétude. Je crois que j'ai quand même réussi à la conscientiser un peu.

Il raconte la méfiance: les paroles d'inconscients qu'il entend en ville d'Hérémence le font s'exclamer, non sans ironie:

Toutes les andouilles qui sortent sans absolue nécessité ne songent pas qu'elles pourraient tuer leur mère, leur tante, leur meilleur copain, leur mari, leur collègue, leur voisin, le chauffeur de bus, le contrôleur de train, leur frangin.

Il raconte la délation: sur son mur Facebook un photographe de profession se meut en infatigable délateur en publiant des clichés de contrevenants au confinement:

Il estime que la police n'en fait pas assez. Alors il dénonce. Et il y retourne. Il arpente nos parcs. Dès qu'il repère un groupe de six personnes (une de trop: le crime est monstrueux à ses yeux!), le photographe mitraille.

Il y a les bons et les mauvais côtés du confinement.

Les bons, par exemple celui du temps retrouvé:

- Enseignant à l'Institut Littéraire, il avait quarante-deux dossiers de candidature pour l'année prochaine à examiner pour la semaine suivante. Ce qui demandait un temps qu'il n'aurait pas eu normalement:

Sans le coronavirus, j'étais mort.

- Très occupé, il n'avait pas le temps d'en passer avec son fils:

Il aura fallu une pandémie mondiale pour que je joue avec mon fils au bord d'une rivière.

Et pour chasser le mammouth avec lui dans le salon du chalet...

Les mauvais, par exemple celui du temps des victimes:

- À un moment donné, une statistique apparaît:

1111.

Mille cent onze morts du coronavirus en Suisse.

On dirait les bâtons gravés par un prisonnier sur les murs de son cachot pour tenir le calendrier de sa captivité.

- À la fin, la casse économique et sociale: personne n'aurait dû être laissé de côté, sauf que les indépendants auront dû attendre plus d'un mois après la fin du confinement pour se voir octroyer une aide, à laquelle lui et sa femme n'auront pas droit, parce qu'ils ne sont pas assez pauvres...

Pour ce qui est des virus, pas de panique, ils existent depuis toujours. Celui-ci comme les autres fait partie du monde: Au même titre que l'aigle, la rivière, les tulipes, le chat de la voisine ou le mammouth.

Confinement faisant, Eugène cite Woody Allen:

L'éternité, c'est long. Surtout vers la fin.

Il fait suivre cette citation d'une autre de son cru:

Le confinement, c'est long. Surtout matin, midi et soir.

Francis Richard

Le mammouth et le virus, Eugène, 176 pages, Slatkine

Livres précédents:

Le livre des débuts, 160 pages, L'Âge d'Homme (2015)

Ganda, 176 pages, Slatkine (2018)


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