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Radu Bata – Corps à corps

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Radu Bata – Corps à corps(les amours rendent l’âme
mais ne meurent jamais)

au début le corps est une page blanche
qu’on découvre avec étonnement
un voyage dans l’inconnu
dans lequel des touristes venus d’autres horizons amniotiques
s’inscrivent comme à un cours d’anatomie
– après m’avoir visité
une petite japonaise m’a offert un idéogramme
la prof de maths une note de passage
et une gymnaste soviétique une montre sans heures –
puis le corps devient un roman-fleuve
une sorte de pied en plâtre sur lequel
on ramasse plein d’autographes
(des étoiles ont voulu apposer leur nom
sur mon pied innocent
mais je ne balance pas les étoiles
je ne balance personne
ni la balançoire)

ensuite les balafres s’accumulent
comme sur un visage rasé de près
avec un ancien couteau de cuisine
et le corps n’est plus cartographie sentimentale
il devient objet
il devient musée
il devient histoire
qui raconte ta vie
comme les nœuds disent celle des vieux arbres
coupés car mal dans leur peau
mal dans ces temps qu’ils ne comprennent plus
bien que la langue officielle soit
la langue de bois
et «les archéologues du futur»
(comme disent les bonnes plumes)
vont lire les pages blanches du commencement
comme si elles avaient été écrites
et remplies jusqu’aux bords
du sang dont on fait
les champs de bataille

aujourd’hui
je compte sur mon corps
les morts qui m’ont fait vivre
et j’entends leur cœur battre
dans toutes les entailles

***

Radu Bata


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