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Fragments de nuit, inutiles et mal écrits (saison 4) - Fragment 5

Par Blackout @blackoutedition
Fragments de nuit, inutiles et mal écrits (saison 4) - Fragment 5

Pour les livres de Richard Palachak, c'est par ici : KALACHE, VODKA MAFIA, TOKAREV

Fragments de nuit, inutiles et mal écrits (saison 4) - Fragment 5

Photo de Simon Woolf

Fragment 5

Le lendemain, pincé comme un verre à bière et la gueule en béton, j'passe agrafer Lèoche devant la casbah de mon daron. Pile à l'heure convenue. Sur la route, le bohémien tient le crachoir en tchèque à perpète, et de mon côté, toujours défoncé par la fiesta de la veille, je capte un mot sur trois. Finalement, je réalise qu'il a de la chance de m'avoir comme chauffeur. Y'a des travaux de partout et faut pas se faire piéger par les déviations à la noix. Sans ma ruse de sioux franc-comtois, le baron ne jointerait jamais son avion à temps.
Ni le merdier des travaux ni ma roublardise de dessalé ne lui échappent. Une fois débarqué sur le terminal de l'aéroport, Lèoche me propose un nouveau marché :

-
Mille euros cash pour dix minutes de travail, ça t'intéresse ?
-
Euh... ça dépend.
-
Rien de compliqué. Tu feras partie du conseil d'administration d'une grosse boite où je vais t'inscrire en tant qu'actionnaire au bras long. Tu feras une réunion au siège de l'organisation, dans un gros building en plein centre ville de Pilsen. Évidemment, le voyage, l'hébergement, les frais de bouche et tutti quanti... tout sera rincé par mes soins.
-
Mais j'dois faire quoi ?
-
Rien : venir au conseil, voter « oui, » puis te barrer.
-
C'est tout ?
-
C'est tout.
-
Je vote à quel sujet ?
-
Mille euros.
-
Oui mais pour quoi ?
-
Mille euros.
-
Mais...
-
Si ça le fait pas pour toi, j'vais pas revenir à la charge.
-
Au contraire Lèoche, c'est une affaire entendue.
-
Bien.

Heureusement, y'a pas d'embuscade assassine à l'aéroport. On arrive coolos et je cueille mon biffeton de cinq cents keuss. Une coupure encore inconnue au bataillon. Le genre de gros papa qu'on ne peut placer qu'à la banque.
Je porte les valoches du vieux jusqu'au service des douanes, à la revoyure ! Et sur le chemin du retour, l'idée du vote à mille boules se gâte. Une fleur pareille pue la merde à l'évidence. J'ignore dans quel guignon je me suis fourré, sachant pertinemment qu'une fois dans le bain bohémien, l'échelle pour remonter sur le navire est définitivement cramée.

Quand un slave donne sa parole,
il perd ses burnes au moment de la jeter au feu.
Ce qui est dit doit être fait,
même si c'est la dernière des conneries.
On est fiers et scrupuleux,
même dans la connerie.
Le vrai de vrai coule dans nos veines
engorgées du kérosène de la loyauté,
peu importe l'irrégularité de la loi fixée.
Chaque empire a sa société.
Chaque assemblée crée son code incivil.
En Europe centrale
il n'y a pas de hors-la-loi,
mais pagaille de partisans
d'une foule de lois.
Comme on dit par chez nous :
« Celui qui ne vole pas son prochain
vole sa propre famille. »

Richard Palachak

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